« Femmes de com’ ». C’est le titre d’une série de portraits de femmes qui ont choisi la communication comme terrain de jeu. Certaines sont en agences, d’autres ont créé la leur. À travers leur parcours, elles abordent l’évolution de leur métier. Aujourd’hui, pour susciter la curiosité d’un journaliste ou celle d’un influenceur, elles doivent mettre les bouchées doubles. Certaines dorment peu, d’autres ont renoncé aux vraies vacances, par passion pour une profession en pleine transformation.

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20 décembre 2023. Le Conran Shop du 117 rue du Bac, à Paris, a fermé ses portes. Définitivement. Depuis près d’un an, l’enseigne était en quête d’un repreneur. En vain. La cinquantaine de salariés a continué de travailler, sachant que leur magasin allait baisser le rideau. Avec une opération « liquidation des stocks » perçue par certains, en interne, comme un pillage. Et pour cause : les clients les plus indélicats se sont rués jusque sur le mobilier des espaces de bureaux des salariés sur le départ. Sale moment. Perturbant. Bouleversant. Sandrine Maury-Besson l’a vécu. Aux premières loges. Responsable de la communication du Conran Shop depuis dix-sept ans, c’est elle qui a envoyé le communiqué de presse qui annonçait la fermeture du magasin d’ameublement et de design. C’était le 28 novembre. Elle, c’est le 8 décembre qu’elle a rendu son badge et ses clés. « Depuis, j’ai pris du temps pour moi », confie-t-elle au Café Varenne. Ses projets ? Panser le passé et surtout repenser son métier.

Traverser tout Paris pour trouver du raphia…

Ado, Sandrine Maury-Besson voulait devenir pédiatre. Mais dans son collège, en région parisienne, un conseiller d’orientation la dissuade, au regard de son niveau en sciences… Qu’à cela ne tienne. L’autre marotte de la collégienne, c’est la communication. « Les jours de congés, je fabriquais des magazines et j’improvisais des adaptations de l’émission télé Aujourd’hui Madame en version radio ! » Une fois son bac littéraire en poche, elle décroche un Deug de Droit à l’université Paris XII de Créteil, puis intègre l’Institut Français de Presse (IFP) à Paris II, rue d’Assas. Comme sujet de mémoire, en 1988, elle choisit le traitement de l’information par la chaîne M6, qui vient de voir le jour avec un JT, « alors révolutionnaire », de 6 minutes chrono. La suite, c’est le magazine 20 ans qui va la dicter à Sandrine Maury-Besson, avec un reportage sur le métier d’attaché de presse. L’étudiante est séduite et postule pour un stage au service com’ d’Habitat France. « À l’époque, les titres de la presse déco étaient tenus par de fortes personnalités aux exigences parfois extrêmes », se souvient-elle. C’est aussi une période où elle apprend à traverser tout Paris pour trouver du raphia et passer trois jours à en nouer des brins pour fermer des centaines d’enveloppes. Car, pour attirer et fidéliser les divas de la déco des années 1980, l’originalité et l’allure d’un carton d’invitation étaient une clé d’entrée. « J’ai tout appris des bases du métier avec Bénédicte Cartigny, alors responsable du service de presse d’Habitat France. Exigence, cohérence, événementiel, stylisme culinaire… j’ai tout découvert », raconte Sandrine Maury-Besson. Embarquée dans une dynamique et l’apprentissage d’une profession, elle va même tirer un trait – à regret - sur le 3e cycle qu’elle projetait de mener au CELSA-Sorbonne Université.

« Tom Dixon sur le plateau de Canal + avec Carlos Santana en live... »

Lorsque Bénédicte Cartigny quitte Habitat France, elle emmène Sandrine Maury-Besson avec elle. D’abord dans un bureau de presse, puis dans l’agence qu’elle va fonder. La jeune diplômée de l’IFP est à bonne école. Relances téléphoniques des journalistes, discours accrocheurs et arguments percutants - « même pour parler de tables à repasser ! » -, elle se frotte à tout. Sans rechigner. C’est le métier qui rentre. Lorsqu’elle a l’opportunité de réintégrer Habitat France pour en chapeauter les relations presse (RP) et l’événementiel, Sandrine Maury-Besson accepte le challenge. Parce qu’elle a un sens inné pour unir, réunir, susciter des rencontres, initier des partenariats. Mieux encore : elle a le chic pour trouver des lieux inédits, insolites, méconnus, pour organiser un événement. « Je me souviens d’une présentation presse à la Halle Pajol, accolée aux messageries de la Sernam, dans le XIXe arrondissement de Paris, où nous avions installé les produits sur des podiums comme des top models », décrit-elle. Autres souvenirs : « Le champ de lavande planté devant le magasin Habitat de Lyon à l’occasion de son ouverture, la présentation presse à la Villa Savoye à Poissy, ma rencontre avec le designer Pierre Paulin ou encore l’interview du designer britannique Tom Dixon par Philippe Vecchi et Alexandre Devoise sur le plateau de Canal +, avec Carlos Santana en live... »

« Les lumières se sont éteintes »

La naissance de son troisième enfant met un terme à son travail chez Habitat France. Sandrine Maury-Besson opte alors pour des missions de RP en freelance. Jusqu’au jour de la petite annonce passée par le Conran Shop, qui recherche un responsable des relations extérieures. Elle envoie son CV, se retrouve en short list. À l’issue d’un cas pratique à résoudre, tout en anglais, le job est pour elle, avec parmi ses missions, celle de positionner l’enseigne « au-delà de la seule boutique de Paris ». Voyages de presse à Londres, séances d’interview du designer Terence Conran - fondateur d’Habitat et des Conran Shop -, partenariats avec la célèbre galerie Perrotin ou avec le jeune duo de créatrices qui se cachent derrière Pangea… Sandrine Maury-Besson cultive le mélange des gens, des genres, des générations et l’audace des projets. À l’instar de l’installation, en 2022, du « Café Prouvé » de Vitra, au rez-de-chaussée du Conran Shop parisien : tout à coup, le magasin est devenu lieu de rendez-vous et de rencontres, le temps d’un expresso, d’une pâtisserie, d’un petit creux. Puis, tout s’est arrêté. « Les lumières se sont éteintes », dit-elle. Brutalement. « Depuis la fermeture du magasin, j’ai pris du temps pour réfléchir à ce que je veux faire et de quelle façon je veux le faire », explique Sandrine Maury-Besson. Elle reste attachée à la com’ – « c’est mon métier » -, mais elle l’envisage désormais en tant que consultante, avec l’envie aussi de promouvoir de jeunes créateurs pour initier de nouveaux projets. L’intelligence artificielle l’intrigue et l’intéresse également beaucoup. « Je suis arrivée dans la com’ avec ma personnalité. Je suis restée la même. C’est ce qui peut faire la différence », conclut-elle en finissant son café au Varenne. Depuis, c’est officiel : les 1 500 m2 de l’ancien Conran Shop sont désormais investis par l’enseigne Zara Home. Pour un an seulement. De l’éphémère, comme pour rappeler que rien ne dure vraiment.

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« Femmes de com’ » : cette série de portraits fait écho à la formation « Relations Presse » du CELSA-Sorbonne Université (responsable pédagogique : Anne Eveillard). Prochaine session prévue du 19 au 20 septembre 2024 -> inscription : ICI

Autres portraits de « Femmes de com’ » à découvrir : Léa PaoliEmmanuelle GillardoKattia MendiguettiIsabelle Crémoux-Mirgalet, Odile Idkowiak et Marina David