« Femmes de com’ ». C’est le titre d’une série de portraits de femmes qui ont choisi la communication comme terrain de jeu. Certaines sont en agences, d’autres ont créé la leur. À travers leur parcours, elles abordent l’évolution de leur métier. Aujourd’hui, pour susciter la curiosité d’un journaliste ou celle d’un influenceur, elles doivent mettre les bouchées doubles. Certaines dorment peu, d’autres ont renoncé aux vraies vacances, par passion pour une profession en pleine transformation.

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« Je suis une matinale. J’ai toujours aimé le matin. C’est le moment où le monde t’appartient un peu… » Isabelle Crémoux-Mirgalet vient de commander son deuxième « double express » à une table, au calme, à l’intérieur du Café Marly, face à la Pyramide du Louvre. Membre du pôle de direction et associée de l’agence de communication 14 Septembre, elle en chapeaute le bureau lyonnais. Les horaires du TGV Lyon-Paris, elle les connaît par cœur. « Celui de 6 heures, qui arrive à 8 heures Gare de Lyon, est idéal pour travailler. Le train, pour moi, c’est comme une bulle pour penser, réfléchir, écrire… » La distance ne lui fait pas peur. Un temps, elle a même fait du « Marseille-Paris ». Une sorte de prise de recul, sans se déconnecter de la capitale, qui lui donne un double regard du « terrain ». Un atout, côté « pro ». Une chance, côté « privé » : « Au printemps, dès les premiers rayons de soleil, je dresse la table sur ma terrasse et nous pouvons déjeuner en tee-shirt… »

Prépa HEC, le jour, et foyer de jeunes filles, le soir…

Née à Angoulême, Isabelle Crémoux-Mirgalet a grandi à La Rochelle. « Une jolie ville, mais petite… », dit-elle. À 18 ans, son bac A1 – maths et lettres – en poche, elle rêve de la capitale. Elle veut intégrer Sciences Po, « pour travailler aux Affaires étrangères ». Normal : elle parle anglais, allemand et s’est mise au russe. « Mais l’été après le bac, j’ai préféré la plage aux révisions pour le concours d’entrée rue Saint-Guillaume… » À la rentrée, elle firera tout de même à Paris, en prépa HEC au lycée Carnot, le jour, et dans un foyer de jeunes filles, rue Lhomond, le soir. Sérieuse, bosseuse, l’année suivante elle décroche une place à l’Edhec et quitte la capitale pour trois années à Lille, avec de belles échappées au Touquet et à Bruxelles. En cours, Isabelle Crémoux-Mirgalet baigne dans le marketing, la distribution, les chiffres… alors qu’elle a toujours été attirée par la culture, les expos, les bouquins. « Mon père me voyait finir dans la finance, moi pas du tout ! » Elle va donc plutôt s’orienter vers une spécialisation en « gestion des affaires culturelles ». Quant à l’esprit « bête à concours », elle ne s’y retrouve pas : « Je ne gagne pas en écrasant les autres. »

« J’ai fait mes armes là où il y avait des chiffres ! »

Une fois diplômée de l’Edhec, retour à La Rochelle. Pour faire quoi ? Elle ne sait pas. Mais, du jour au lendemain, une connexion avec une camarade de prépa et un contact familial, qui travaille dans la communication, la propulsent de nouveau à Paris. Un déjeuner et un entretien vont, ensuite, lui faire rencontrer Mariette Landon, sur le point de monter son agence de com’. C’est le pied à l’étrier. À 23 ans, Isabelle Crémoux-Mirgalet se retrouve « petite associée », avec ses premiers budgets, plutôt ciblés « éco » : « J’ai fait mes armes là où il y avait des chiffres ! » Puis, en 1996, elle revend ses parts et fait un grand saut en acceptant de superviser les relations presse chez Ikea France. Elle va y rester 15 ans, « le temps que l’enseigne passe de 9 à 31 magasins à travers tout l’Hexagone ». C’est durant cette période, et bien avant tout le monde, qu’elle va expérimenter le télétravail. En 2002, elle suit son mari à Marseille et propose à la direction d’Ikea de faire la navette avec Paris. Banco ! Isabelle Crémoux-Mirgalet a le feu vert. Jusqu’en 2004, elle va ainsi relier la Canebière à la Tour Eiffel plusieurs fois par semaine, puis à partir de 2004, ce sera du Lyon-Paris. En 2010, lorsqu’elle décide de quitter Ikea France, elle en est directrice des relations extérieures. Mais cette mère de trois garçons a envie d’autre chose, sans pour autant quitter la région lyonnaise. Une fois encore, au détour d’une conversation, le destin va lui sourire. Laurent d’Estrées, patron de l’agence 14 Septembre – qu’elle a déjà sollicité pour Ikea France et qui venait alors de greffer l’agence de Mariette Landon à la sienne -, lui propose d’ouvrir et diriger un bureau 14 Septembre à Lyon. Elle accepte. « Mon parcours est une succession d’opportunités, confie-t-elle. Avec la même question à chaque fois : il y a un train qui s’arrête, je monte ou pas ? »

Dîner avec Terence Conran et petit déjeuner avec Anish Kapoor

Aujourd’hui, chez 14 Septembre, Isabelle Crémoux-Mirgalet co-manage, avec Laurent d’Estrées, les budgets déco, design, architecture… « Je partage ma vie entre Lyon et Paris. Je fais de la com’ pour un univers où cohabitent le bon, le beau, le bien. Cela me correspond parfaitement. » Ce qu’elle préfère dans son métier ? « Les rencontres. » Ses meilleurs souvenirs ? « J’ai dîné avec le designer Terence Conran, pris le petit déjeuner avec l’artiste Anish Kapoor, fait la révérence à Lady Diana… » Elle poursuit : « Avec 14 Septembre, j’ai découvert la force du réseau. Beaucoup de personnes, de personnalités, viennent nous chercher, car nous sommes au cœur d’un écosystème. Nous pouvons créer des passerelles et ce d’autant que nos clients aiment se rencontrer. » Une méthode. Un savoir-faire. Une dynamique qu’Isabelle Crémoux-Mirgalet partage, explique, transmet aussi : « J’aime voir grandir des stagiaires, des alternants ou tout autre profil que j’ai pu engager. » Quant aux journalistes, « ce qui n’a pas changé avec eux, c’est la force de la relation de confiance, qui dépasse l’envoi d’un communiqué de presse ». Et ce qui a évolué ? « Aujourd’hui, il faut être agile, avoir de la créativité dans les rapports avec les journalistes et les influenceurs. Et ce que ce soit pour du print, un podcast, du Web, des réseaux sociaux… Mon objectif : cibler au maximum, pour obtenir des articles qui vont servir à des développements. » Isabelle Crémoux-Mirgalet parie sur la durée et parle de « relation durable ». « Depuis 2023, l’agence 14 Septembre est entreprise à mission, souligne-t-elle encore. Cela nous engage dans notre gestion d’entreprise et l’accompagnement des clients. » Elle termine son café et conclut ainsi : « La vie m’a emmenée vers ce que je fais aujourd’hui. J’ai vu passer des trains. Je suis montée dans les bons. »

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« Femmes de com’ » : cette série de portraits fait écho à la formation « Relations Presse » du CELSA-Sorbonne Université (responsable pédagogique : Anne Eveillard). Prochaine session prévue du 19 au 20 septembre 2024 -> inscription : ICI

Autres portraits de « Femmes de com’ » à découvrir : Léa Paoli, Emmanuelle Gillardo, Kattia Mendiguetti...