« Femmes de com’ ». C’est le titre d’une série de portraits de femmes qui ont choisi la communication comme terrain de jeu. Certaines sont en agences, d’autres ont créé la leur. À travers leur parcours, elles abordent l’évolution de leur métier. Aujourd’hui, pour susciter la curiosité d’un journaliste ou celle d’un influenceur, elles doivent mettre les bouchées doubles. Certaines dorment peu, d’autres ont renoncé aux vraies vacances, par passion pour une profession en pleine transformation.

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Elle aime ce qui se mange et ce qui se boit. Résultat : Kattia Mendiguetti donne toujours rendez-vous dans un bistrot ou un resto parisien. Histoire de le tester, si elle ne le connaît pas encore, ou de le faire découvrir à d’autres. À l’instar du Hanabi, la table « japonisée » du flambant neuf hôtel Hana, à deux pas de l’Opéra. Au déjeuner, elle est plutôt « plat, dessert et verre de vin », que légumes, graines et « Coca zéro ». Toujours souriante, elle prend le temps de bavarder, échanger, évoquer telle actualité, se référer à tel magazine fraîchement sorti en kiosque. Car elle affectionne le papier. La page à tourner. Le journal à feuilleter. Dans la communication depuis une vingtaine d’années, Kattia Mendiguetti a créé sa propre structure en 2022. Une agence qui porte son nom. Une micro société où elle est seule à la barre : « Me, myself and I », dit-elle amusée. Une dizaine de clients, issus de l’architecture, du design ou encore de la déco, lui font déjà confiance. Le secret de cette réussite : « Ne plus s’encombrer du superflu. »

Une enfance et une adolescence entre Lima et Buenos Aires

Gamine, Kattia Mendiguetti se voyait devenir archéologue. Pour comprendre le passé, pour voyager, pour raconter, pour témoigner… Née à Lima, elle a grandi entre le Pérou et l’Argentine, au gré des déplacements de ses parents. « À chaque rentrée, je changeais d’environnement. J’alternais, une année sur deux, entre un établissement religieux à Lima et une école publique à Buenos Aires. Avec un choc culturel à chaque fois que je basculais de l’un à l’autre. C’est sans doute de cette période que me vient ma capacité d’adaptation. Je peux passer très vite d’un contexte à un autre, d’un dossier à un autre… » Issue d’une fratrie de cinq filles – « je suis celle du milieu » -, son père leur a proposé à chacune, pour leurs 18 ans, un aller sans retour, et sans argent de poche, pour le pays de leur choix. Une façon de tenter l’aventure. Elles ont toutes relevé le défi. Kattia Mendiguetti a choisi la France, pour apprendre la langue de ce pays lointain, qu’elle entendait pratiquer par des amis de ses parents. À 20 ans à peine, elle a donc posé ses bagages à Paris, comme jeune fille au pair. Inscrite à l’Alliance française, puis étudiante en économie à la Sorbonne, c’est ainsi qu’elle s’est initiée à la langue de Molière, tout en gardant un léger accent, tel un clin d’œil à ses origines sud-américaines. Son intérêt pour la communication, « il est venu dès mes premiers stages ». Une com’ institutionnelle tout d’abord, étendue par la suite à des marques, en travaillant pour de grandes agences parisiennes : Weber Shandwick, Thomas Marko, BMRP, Delprat Relations Presse… Fin 2021, l’agence 14 Septembre la sollicite. Mais Kattia Mendiguetti doit partir trois mois en Argentine, au chevet de sa mère, hospitalisée. À son retour, la guerre a éclaté en Ukraine, les budgets com’ se sont resserrés, la proposition d’embauche n’est plus d’actualité. Une période un peu sombre, qu’elle résume ainsi : « Tout à coup, je n’avais plus rien. »

« Le jour où j’ai reçu mon Kbis, je l’ai brandi comme un trophée ! »

Un mètre de large et 88 cm de profondeur : " mon espace pour réfléchir... "

« Je suis un animal social. J’apprécie l’esprit d’équipe et le travail en groupe. Pas pour moi, le monopole de la bonne idée », confie Kattia Mendiguetti. C’est ce qui va l’aider à remonter la pente. Plutôt que de s’isoler, elle multiplie les rencontres, les échanges, les avis. Doit-elle, ou pas, « monter une boîte » ? Tom Gueugnon, l’ami fidèle, à la tête de sa propre agence de RP – relations presse –, la pousse à sauter le pas. « Le jour où j’ai reçu mon Kbis, je suis allée lui montrer, je l’ai brandi comme un trophée », se souvient-elle. La suite : une dizaine de clients en moins de deux ans, dont les RP du parcours parisien Designer’s Days, décrochées avec une « reco » qui tenait en 5 pages et face à 4 agences en compétition. « J’étais la dernière à passer. C’était un vendredi. Le lundi, j’étais choisie. J’ai pleuré de joie. » À cela s’ajoute des collaborations, notamment avec l’agence de Tom Gueugnon : une « entraide » qui permet de mutualiser certains coûts, multiplier le nombre de journalistes invités, augmenter la visibilité sur les réseaux. Une dynamique qui stimule aussi. Depuis la création de son agence, Kattia Mendiguetti compare son parcours à une course de haies, dont elle franchit les obstacles « les uns après les autres », à son rythme. « Je n’ai pas le temps de m’auto-congratuler. Je travaille non stop. Je ne propose que du sur mesure en termes de RP. » Quant à son bureau - le meuble, pas la pièce... -, il est installé chez elle, dans un renfoncement de son appartement, au cœur du Marais. « Je viens d'en faire l'acquisition. Il s'agit d'un bureau imaginé par la designer germano-danoise Gesa Hansen, que j’ai trouvé à La Trésorerie. Il fait un mètre de large et 88 cm de profondeur : c’est mon espace pour réfléchir. Tout comme la piscine voisine de Beaubourg, où je trouve des idées en nageant chaque matin, de 7 heures à 8 heures, sans m’arrêter. Je suis une endurante. » Son autre sport : les traversées de Paris à bicyclette, pour enchaîner les rendez-vous. « Je roule sur un vélo hollandais, avec rétropédalage, que j’ai depuis une vingtaine d’années. Il est recouvert d’éclaboussures de peinture, il ne fait envie à aucun voleur, mais je l’adore ! »

« Le règne des divas de la presse touche à sa fin »

Ce qui a le plus changé dans la com’ depuis les années 2000, selon elle ? « On ne peut plus être dans l’approximatif ou le n’importe quoi. Car tout peut être vérifié très vite, par des journalistes surinformés, de plus en plus nomades, en freelance, dont certains créent leur propre média », constate Kattia Mendiguetti. Elle ajoute : « Le nombre de rédacteurs intégrés au sein des journaux et magazines se rétrécit. Quant au règne des divas de la presse, il touche à sa fin. » Toutefois, elle reconnaît que du côté des agences de com’, « la concurrence est rude ». Pour se différencier, elle mise sur « la transparence », « la confiance » et une priorité : « Aller à l’essentiel. » Quant à son statut d’indépendante, elle le perçoit comme une liberté retrouvée : « J’ai le pouvoir de dire non et je ne suis pas obligée de faire des courbettes. » Naturalisée française depuis 2008, Kattia Mendiguetti parle 4 langues, partage sa vie avec un écrivain également polyglotte, et se dit fière de résider dans un pays « où le droit à l’avortement est désormais inscrit dans la Constitution ».

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« Femmes de com’ » : une série de portraits remarquée et suivie par le CELSA-Sorbonne Université / À SAVOIR : prochaine session de la formation Relations Presse prévue du 19 au 20 septembre 2024. Responsable pédagogique : Anne Eveillard. Inscription : ICI.