C’est l’histoire d’un coup de cœur et d’un coup de chance. « Nous vivons à Saint-Ouen et, depuis 2018, nous passions régulièrement devant une maison à l’abandon qui nous faisait rêver », racontent Anne Oury et Selim Mouhoubi. La demeure en question ? Une bâtisse bourgeoise, imposante, protégée par de hautes grilles peintes en noir. Construite en 1885, à cette époque elle surplombait des champs d’asperges et de vignes… « C’était la maison de campagne d’une riche famille du Nord de la France », explique Selim Mouhoubi. Mais, à l’orée des années 2020, ses volets sont clos. La maison paraît inhabitée. Désertée. Oubliée. Au détour d’une indiscrétion de voisinage, le duo apprend que les héritiers cherchent à s’en séparer. Avec le feu vert « au plus offrant ». Les projets de promoteurs déferlent. En rafale. Ils veulent tout raser. Impensable et surtout impossible : « La maison est répertoriée au patrimoine des Bâtiments de France », souligne Selim Mouhoubi. Autrement dit : pas question de faire n’importe quoi du « 53 » de la rue du Landy.
Un hôtel de ville aux airs de maison de campagne
Approche. Rencontre. Hésitation. Appel. Rappel… Anne Oury et Selim Mouhoubi multiplient les tentatives pour arriver jusqu’au propriétaire. Patience et persévérance. De longs mois se passent jusqu’au jour où ils décrochent… le gros lot. La maison est pour eux. Pourquoi ? Parce que leur projet d’en faire un hôtel a conquis les héritiers. Un hôtel de ville aux airs de maison de campagne, à deux pas du métro « Mairie de Saint-Ouen » et à 20 minutes de la station « Châtelet ». Paris, sans Paris… Quant au choix de l’hôtellerie, ce n’est pas un hasard. Anne Oury connaît le secteur par cœur : « J’ai fait ma première saison à 16 ans, à Courchevel. » Puis elle est volontairement passée par tous les postes – serveuse, réceptionniste, gouvernante…-, avant d’occuper ceux de directrice d’exploitation de l’hôtel 25 Hours, à Paris, et de directrice du Courtyard by Marriott Paris La Défense West-Colombes, avec un diplôme du cursus « management hôtelier » (Imhi) de l’Essec en poche. Quant à Selim Mouhoubi, « il est entrepreneur dans l’âme », confie sa complice. Si bien qu’ils n’ont jamais douté de la pertinence de leur projet. Les seuls moments de « découragement » ont été liés aux 18 mois de travaux pour métamorphoser la maison et la mettre aux normes hôtelières. Car ils ont vécu les chantiers qui jouent les prolongations, faute d’artisans disponibles au bon moment. Pas bien drôle. Mais pas de quoi casser l’ambiance non plus, puisqu’en février 2025, Anne Oury et Selim Mouhoubi ont ouvert leur établissement, qu’ils ont baptisé Le Charmant.
Photo vintage, papier peint fleuri et jardin caché
D’emblée, l’idée a été de recréer l’atmosphère d’une maison de famille. Et ce d'autant qu'Anne Oury et Selim Mouhoubi y vivent avec leurs enfants. Si bien que la réception sert aussi de bar, avec comptoir, étagères remplies de bouteilles, photo vintage du dernier propriétaire des lieux – Robert – et papier peint fleuri, calqué sur celui qu’il avait lorsqu’il vivait encore dans la demeure. À cela s’ajoute une vue directe sur le passe du chef Romain Van de Veire, grand amateur de cuisine bourgeoise. Certains en profitent pour papoter avec lui, partager une recette, demander un conseil, solliciter une astuce pour réussir une sauce... La spontanéité comme une évidence. À l’instar de l’art de recevoir dans la salle à manger aux moulures et plafonds peints, capable d’accueillir une cinquantaine de convives. Une capacité qui double aux beaux jours, avec l’installation de tables et de chaises dans le jardin - invisible de la rue -, qui s’étire sur 400 m2. Chaque fin de semaine ensoleillée, un barbecue est posé sur la pelouse et des musiciens interprètent un set de jazz manouche. Quid du sourcing des produits travaillés en cuisine ? Priorité au circuit court. Les fruits et légumes proviennent de chez une maraichère de Vincennes, les bières sortent de la brasserie de Saint-Ouen, les vins sont également sélectionnés par un caviste de la ville.
Lustres à pampilles, , cahiers de recettes et lettres de soldats
Dans la maison et ses annexes – grange et anciennes écuries -, on prend le temps. Comme autrefois. L’œil s’attarde sur les fresques peintes par l’artiste Olivia De Bona, dans le grand escalier qui mènent aux chambres – une vingtaine au total -. Lustres à pampilles, appliques restaurées, livres anciens, cahiers de recettes – dont le chef cuisinier s’inspire… -, photos de famille en noir et blanc, partitions de musique d’hier… la majorité des objets ont été récupérés in situ, juste avant de débuter les travaux. Car la maison de la rue du Landy a été acquise sans avoir été vidée de ses objets, curiosités, souvenirs en tous genres, bref de son âme. « Nous avons passé deux mois à tout trier », se souvient Anne Oury. Avec quelques surprises, comme ces lettres de soldats reçues durant la Première guerre mondiale : « Nous sommes en train de les réunir dans des recueils, car leur lecture suscite beaucoup d’émotions. »
Jardin d’hiver et cave voûtée
« Nous avons déjà des fidèles, au restaurant comme à l’hôtel, et des familles ont pris leurs habitudes au barbecue du week-end », se félicitent Anne Oury et Selim Mouhoubi. Pari réussi : ils ont fait du « 53 » de la rue du Landy, « une destination ». Mais ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils projettent de créer un jardin d’hiver et d’aménager la cave voûtée, pour organiser des événements. Car ils sont déjà très sollicités en ce sens. Au début du printemps, « nous avons organisé un premier mariage dans le jardin ».
Le Charmant : 53 rue du Landy, 93400 Saint-Ouen – Tél : 01 80 97 91 97 – Nuitée à partir de 130€ - Et aussi : ICI