La route l’inspire. Les routiers aussi. À 36 ans, le photographe Guillaume Blot vient de compiler 140 images qui racontent 72 restaurants routiers – avec leurs rites, rituels, habitudes et habitués… -, dans un livre qui vient d’arriver en librairie. Son titre : Restos routiers (éditions Hoëbeke). Un ouvrage qui fait suite à Rades, paru en 2023 chez le même éditeur et focalisé sur quelque 220 bistrots restés dans leur jus. Le terrain de jeu préféré de Guillaume Blot ? « La France, parce que j’aime documenter le local », répond le Nantais, diplômé du Celsa-Sorbonne Université – promo 2013-2014 -, qui a fait ses premières armes en tant que correspondant sportif à Ouest France. « J’avais 18 ans et je couvrais les matchs de foot locaux de l’agglomération nantaise. »
Tout au flash
Les « rades » comme les « routiers » sont autant de lieux de vies en voie de disparition aujourd’hui en France. Chiffres à l’appui : entre 1945 et 2025, le nombre de bistrots et cafés est passé de 400 000 à moins de 40 000. Quant aux routiers, s’ils étaient 4 500 dans les années 1970, on n’en recense plus que 700 aujourd’hui. D’où l’envie de Guillaume Blot de « les mettre en lumière », au flash – « j’assume le geste ! » - et « sur le vif », avec ses deux « moyens formats » : « Un Mamiya 645, pour l’argentique, et un Fuji GFX 100, pour le numérique. » Le tout rangé dans un sac à dos, car le photographe aime voyager léger. Surtout lorsqu’il pousse spontanément la porte d’un routier, d’un rade, d’une friterie – autre lieu qu’il affectionne -… Car, avant de prendre la route, il ne balise rien, si ce ne sont les régions qu’il compte sillonner. Après, c’est au feeling. Il s’arrête ou pas. Il entre ou pas. Son mode opératoire : « J’arrive au comptoir, je m’installe, je commande à boire et à manger, puis je commence à échanger avec le patron, un serveur, une serveuse, un routier… Je leur raconte ce que je fais et, à partir de là, on me laisse prendre des images... C’est très rare que l’on refuse que je le fasse. » Ensuite, l’immersion dure « une heure ou deux jours », selon ce qu’il trouve, sent, ressent. Le feeling encore.
Fan du van
Fils de cheminot, Guillaume Blot a profité, un temps, de billets de train à prix mini pour voyager à travers l’Hexagone. Quand cela n’a plus été possible, il a investi dans un van Volkswagen « T5 » qu’il a aménagé pour pouvoir y dormir. C’est dans cette « Blotmobile » que le photographe part chaque été durant deux mois en quête de bistrots improbables, routiers oubliés, baraques à frites isolées, soirées loto au milieu de nulle part… Depuis quelques temps, il s’intéresse aussi de près aux salons de coiffure, « au deuxième rang des magasins de proximité après les buralistes », précise-t-il. Pendant longtemps, cet ancien journaliste a préféré l’écriture à l’image. C’est lorsqu’il a commencé à immortaliser les friteries du Nord de la France, au milieu des années 2010, que tout a basculé : la photo a alors pris le pas sur les mots. « Je suis devenu photographe documentaire », dit-il. Un parti pris qui lui réussit. Il collabore avec Libé, Le Monde, L’Obs, sans oublier les agences de pub et, ajoute-t-il, « je suis aussi photographe de mariages plusieurs fois par an ». Du « tous terrains », qui correspond à « tout ce que je traverse dans la vie ».
Un troquet à la Roquette
S’il vit « en coloc » dans une maison de village, près de Fontainebleau, Guillaume Blot donne ses rendez-vous Chez Troquette, à deux pas de la place Voltaire, dans le 11e arrondissement de Paris. Un drôle de troquet à la Roquette, avec banquette XXL et chaises de bistrots, qui passe du Dire Straits en fond sonore. Là, face à un café, le photographe raconte le boulot de dingo à sélectionner 140 images, pour son livre, sur les 6 000 rapportées de ses échappées chez les routiers. Il dit aussi qu’il sera aux Rencontres de la photo, cet été à Arles : sa « Blotmobile » sera garée du côté de la librairie Actes Sud le 10 juillet prochain pour une séance de signatures des Restos routiers. Les Parisiens peuvent aussi découvrir son travail, sous forme d’expo, jusqu’au 20 juin à la Galerie S., dans le 3e arrondissement, puis en octobre ce sera dans le cadre des Rencontres photographiques du 10e. Enfin, à Marseille, la galerie Faces, accrochera à son tour une série d’images de Guillaume Blot du 15 novembre au 15 décembre 2025. Une route jalonnée d’étapes, comme les aime le photographe qui, en 2023, avait vendu quelque 10 000 exemplaires de Rades. On lui souhaite le même succès avec ses routiers si sympas.
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Restos routiers, de Guillaume Blot - éditions Hoëbeke- 184 pages – 28€
Exposition Restos routiers jusqu’au 20 juin 2025 à la Galerie S. : 8 rue du Bourg l’Abbé, Paris 3e –
Et aussi : Guillaume Blot