Éditeur, designer, architecte d’intérieur, directeur artistique… Stephan Lanez a plus d’un talent. Et ce, depuis longtemps. À la fin des années 1990, alors qu’il était en 3e année à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (Ensad), il cumulait déjà le statut d’étudiant et de « professionnel », « car, parallèlement à mes cours, je dessinais des assises pour le fabricant Gilles Nouailhac ». Aujourd’hui, à la tête de la marque Principe, qu’il a créée en 2020, et cofondateur en 2022 - avec l’ingénieur Martin Rolland – du studio Maërl, une sélection de ses créations – Lacus Wood, Diplomate et Sepia - a intégré les collections du Mobilier national en janvier 2025. Autre bonne surprise de cette année : Maërl a fait son entrée à la galerie Gosserez, à Paris, avec le banc Sepia, réalisé en vannerie de châtaignier. Une double reconnaissance qui survient alors que Stephan Lanez se partage désormais entre ville et campagne. Une nouvelle vie entre Paris et une grange réhabilitée – à l’issue de deux ans de travaux - au milieu d’une forêt domaniale, dans le Perche. Le designer parle d’une « prise de recul » qui le reconnecte à la ruralité, à la proximité de la nature et des richesses de celle-ci. À commencer par le bois, dont il veut voir les nœuds sur une table ou un parquet, afin de mieux conter et montrer « la vie de l’arbre ».

« J’ai vu le mot designer pour la première fois

dans une brochure de l’Onisep »

Table "Stern" / © Julie de Bourmont

L’intérêt de Stephan Lanez pour la nature n’a rien d’une lubie, ni d’un effet de mode. Idem pour le choix du Perche. « Là-bas, nous sommes au milieu de nulle part. On ne voit même pas le voisin… Au départ, ce devait être une résidence secondaire, à deux heures de la capitale. C’est vite devenu l’habitation principale de la famille. Les enfants sont scolarisés à Mortagne-au-Perche et mon épouse, Camille – qui dirigeait avant Passage (société spécialisée en portes et poignées), rue de Cléry, à Paris -, a redonné vie au Café du commerce de Longny les Villages. » Changement de vie pour elle aussi, après une formation à la cuisine chez Ferrandi, à Paris. « D’emblée, on s’est senti bien, en marge de la capitale », confie Stephan Lanez. Une vie au vert dont il rêvait déjà quand il était gamin. « Avec mes deux frères, nous voulions devenir vétérinaires pour soigner les animaux des montagnes en Autriche, pays dont ma mère est originaire », se souvient-il. Mais l’attrait pour le trait a vite pris le dessus. « J’ai dessiné très tôt. Dès que j’avais du temps libre, je prenais une feuille et un crayon ou alors je partais construire des cabanes dans la nature… J’avais une envie de liberté. Je voulais exercer un métier qui serait un plaisir et donc un métier avec du dessin. » Le jeune Francilien est alors en classe de 4e lorsqu’il feuillette une brochure de l’Onisep, en quête d’une filière artistique. « C’est là que j’ai vu le mot designer pour la première fois. À l’époque, la meilleure école pour le devenir, c’était les Arts déco. C’est là que j’ai voulu aller… »

Banquette "Dory" / © DR

« Je me souviens des cours de culture générale

dispensés par Gilles de Bure »

« Si l’école a toujours été une contrainte, aux Arts déco, j’étais… chez moi ! » L’un des bons souvenirs de Stephan Lanez ? « Les cours de culture générale dans le design, dispensés par le journaliste Gilles de Bure. Il nous emmenait visiter des quartiers de Paris, mais aussi des agences, à commencer par celle d’Andrée Putman… » La suite ? Une fois diplômé en 2003, Stephan Lanez s’associe à l’atelier d’architecture Saladin (2003-2008), au sein duquel il a réalisé de nombreux projets d’habitation, tout en poursuivant ses recherches sur le mobilier et l’objet. Puis, en 2009, cet inconditionnel de l’architecte et designer Jean Prouvé crée son propre studio, avec la nature – déjà - comme source d’inspiration première. Bosseur, il ne compte pas ses heures et cumule, de 2008 à 2016, ses projets d’architecture intérieure avec le poste de directeur artistique de Chevalier Edition, éditeur de tapis contemporains noués main au Népal. Là, il va solliciter le savoir-faire de designers tels que Patricia Urquiola, Noé Duchaufour-Lawrance, François Azambourg… ou encore de l’artiste Daniel Buren.

Deux marques, deux univers,

mais une même démarche respectueuse de l’environnement

Canapé "Diplomate" / © Julie de Bourmont

Insatiable, curieux de tout, Stephan Lanez développe aussi, au fil des années, une fibre d’entrepreneur et fonde, en 2012, Marcel By. Il apprend beaucoup de cette première expérience en tant qu’éditeur de mobilier contemporain. Avec des hauts, des bas, des succès, des périodes de doute… Autant d’étapes qui donnent quelques clés pour mieux rebondir ensuite. Ce sera en 2020 avec la création de la société Principe, suivie de celle du studio Maërl, deux ans plus tard. Deux maisons, deux marques, deux univers, mais une même démarche respectueuse de l’environnement. Pour Principe, « les pièces de la collection sont fabriquées en Europe, avec des matériaux verts, du bois FSC* et des métaux recyclés. Les transports sont maîtrisés, les circuits courts privilégiés pour des emballages réduits et réfléchis ». Quant à Maërl, « la marque conçoit des objets qui se patinent et s’améliorent avec le temps. Des pièces de mobilier fabriquées à la main, en France, avec des matières nobles, naturelles, par des partenaires de qualité et de confiance. Chaque création est produite en quasi-totalité dans les Pays de la Loire ou dans nos ateliers en région guérandaise pour les prototypes, l’assemblage et les pièces Signatures ». Stephan Lanez parle de « justesse » et de « simplicité ». Il ajoute : « Chaque objet est l’alliance forte entre valeur esthétique et perfection pratique. L’aspect fonctionnel autant que l’histoire de l’objet nourrissent ma créativité. »

Des assises créées pour l’hôtel Les Prés,

à Saint-Hilaire-le-Châtel

À 49 ans, Stephan Lanez évoque « un équilibre » trouvé, voire retrouvé, en se partageant entre la ville et la campagne. Entre le Passage de la Bonne Graine, à Paris, où il a bureaux et showroom, et le Perche où il vit, mais développe aussi projets et chantiers. « Car, dans cette région, le tissu industriel et artisanal est dense », souligne-t-il. Le designer lorgne également sur le secteur de l’hôtellerie. Avec une première réalisation pour l’hôtel Les Prés, à Saint-Hilaire-le-Châtel, dans l’Orne, dont il a signé les canapés et fauteuils, tous fabriqués dans le Perche. Circuit court toujours et « nouvelle perception de notre société, comme de la réalité rurale », dit celui qui a abandonné la moto pour lui préférer le vélo cargo. Son rêve ? « Créer un atelier dans le Perche, avec une équipe. » Ce qui l’agace ? « Les futilités parisiennes. » Ce qui le bluffe le plus ? « Ce que j’aurais aimé faire… À l’instar de deux luminaires présentés par la maison Flos, lors de l’édition 2025 de Milan Design Week. À savoir le modèle mural Maap imaginé par Erwan Bouroullec, en papier non-tissé à froisser soi-même, et la suspension Linked de Michael Anastassiades, telle une chaîne verticale de maillons de verre lumineux. » Des objets éthiques, esthétiques, poétiques, « comme venus d’un ailleurs » dit encore Stephan Lanez, guidé par une quête de sens et d’essentiel.

* Le label international Forest Stewardship Council® (FSC) garantit que les bois utilisés se conforment aux procédures de gestion durable des forêts.

-> Stephan Lanez est aussi ICI