David Labreure a toujours aimé lire. Gamin, c’était plutôt « la littérature d’exploration ». Celle de Jules Verne, de Jonathan Swift ou encore « le Frankenstein de Mary Shelley, en Folio Junior », se souvient-il. Puis, ado – « j’avais 13 ou 14 ans… » -, c’est le choc : « Sur les conseils de mon grand-père, j’ai lu Voyage au bout de la nuit. » C’est comme ça, d’un coup, sans prévenir, que David Labreure a découvert Louis-Ferdinand Céline. « La somme d’expériences humaines contenue dans cet ouvrage et la langue familière utilisée par l’auteur, tout cela me parlait », explique celui qui vient de publier Louis-Ferdinand Céline, d’un Paris l’autre (éditions Parigramme). Un livre, riche en photos et archives, consacré aux liens forts entre Louis Ferdinand Destouches et la capitale. Un Paris, dont le médecin-écrivain raffolait des faubourgs, des quartiers populaires, des bruits, des odeurs, des fumées noires et de la Seine, « fleuve-égout qui charrie les fientes et les hontes de la société des hommes », écrit David Labreure. Un Paris sombre, plombé par la misère des uns, la détresse des autres. Un Paris qui va de Montmartre, où Céline a vécu, jusqu’au restaurant Drouant, où le prix Renaudot a été décerné en 1932 à Voyage au bout de la nuit, en passant par la fac de médecine, les dispensaires de banlieue ou encore la Samaritaine, véritable « paradis de la ménagère » pour le Ferdinand de Mort à Crédit.

18/20 en philo au bac…

© Emilie Molinero

Entre Céline et Labreure, c’est une histoire qui dure. Une cohabitation au long cours. Un partage de connexions. « Il ne m’a jamais quitté », reconnaît celui qui a consacré une thèse à l’auteur de Guignol’s Band et D’un château l’autre. Le thème de celle-ci ? « Céline et l’hygiénisme ». Dans cette même veine, suivra un livre intitulé Céline, le médecin-écrivain (éditions Bartillat). Pourtant rien ne prédestinait David Labreure à devenir docteur en lettres modernes. « Au collège, j’étais plutôt bon en sciences », confie celui qui a grandi, vécu et vit toujours sur la ligne de Sceaux, du côté de Chatenay-Malabry. Le déclic ? C’est au lycée de Sceaux, où il brille en latin, français et histoire, mais « c’est la cata en maths ». Pas de bol pour celui qui se voyait paléontologue ou zoologue. Finalement, avec 18/20 en philo au bac – « j’avais un texte d’Aristote à commenter » - et un intérêt croissant pour l’écriture, il va cibler un double cursus en histoire et en philo, à Tolbiac puis à la Sorbonne. Pourtant fils de prof, ce n’est pas vers l’enseignement que David Labreure s’est ensuite orienté. D’abord surveillant dans un lycée parisien, il va devenir guide conférencier au sein de la Maison d’Auguste Comte – classée monument historique depuis 1928 -, dans le quartier de l’Odéon, avant de prendre la direction de cet appartement-musée et des archives du fondateur du positivisme français. « Je passe mes journées au milieu des livres, c’est un vrai bonheur », explique-t-il tout en posant sa tasse de café sur la grande table en bois installée dans la bibliothèque de la Maison d’Auguste Comte.

Du Brésil au barrage de Rochebut

Bourreau de travail et solitaire à ses heures, David Labreure est déjà sur un autre projet d’ouvrage. Dans le même temps, il organise des expositions, des rencontres, des débats au sein de la Maison d’Auguste Comte. Le positivisme est toujours au cœur des discussions et dans le cadre du prochain festival PhotoSaintGermain, ce sera encore le cas. Du 6 novembre au 20 décembre 2025, l’appartement-musée de la rue Monsieur-le-Prince accueillera le travail du photographe brésilien Emilio Azevedo, intitulé « Rondônia, comment je suis tombé amoureux d’une ligne ». Située dans le nord-ouest du Brésil, Rondônia porte le nom du maréchal Cândido Rondon, officier militaire et explorateur du bassin amazonien, étroitement lié au courant positiviste brésilien. Au début du XXe siècle, il a été chargé d’installer une ligne télégraphique à travers la forêt amazonienne, afin d’intégrer les territoires de l’Ouest et ainsi établir un dialogue avec les peuples autochtones… De l’exotisme, de l’aventure et du romanesque qui devraient plaire à David Labreure, toujours sensible aux explorateurs, même s’il cultive aussi les voyages en terrains connus. Lorsqu’il ne se balade pas sur les traces de Céline à Paris, il marche volontiers dans les pas de son grand-père, aux abords du barrage de Rochebut, « où il travaillait ». Rochebut, entre Montluçon et Évaux-les-Bains, au cœur de l’Allier. Une région que David Labreure se complait à immortaliser sur son compte Instagram, en attendant peut-être de lui consacrer un livre.

Louis-Ferdinand Céline, d’un Paris l’autre, de David Labreure – éditions Parigramme – 126 pages – 19,90€.

Et aussi : Maison Auguste Comte