LS FONT DROUOT : 1 série / 7 épisodes
À l’occasion de la réouverture, le 1er octobre 2025, du café L’Adjugé, situé au rez-de-chaussée de Drouot, 1 Epok formidable a poussé la porte de cet Hôtel très particulier, créé en 1852. Une institution qui reste la seule au monde à rassembler en un lieu unique – au 9 rue Drouot, dans le 9e – des maisons de vente d’horizons très différents, qui couvrent aussi bien l’Antiquité que le street art. De mai à juillet 2025, six personnalités et un duo, qui « font » Drouot, se sont ainsi confiés sur leur parcours, leur travail, leurs anecdotes… Le résultat : une série de sept épisodes, qui pose un ton et un regard sur « le seul magasin où il faut payer plus cher pour faire une bonne affaire ».
ÉPISODE 3
Olivier Lange incarne la modernisation de Drouot. À commencer par la vague de travaux menée à l’orée des années 2010, pour améliorer l’accueil du public, la fluidité des circulations et la technologie des salles afin de retransmettre toutes les ventes en direct. Son autre gros chantier a été la digitalisation de l’institution parisienne fondée en 1852. Un pari. Un défi. Pas évident, en effet, de chambouler les habitudes de plusieurs générations de visiteurs, collectionneurs, commissaires-priseurs... Pourtant aujourd’hui, on recense quelque 9 500 dispersions annuelles sur la plateforme Drouot.com. Recruté en 2002 en tant que directeur administratif et financier, puis nommé directeur général en 2005 d’Auctionspress - qui édite La Gazette Drouot -, en 2008 Olivier Lange s’attèle à la stratégie digitale du groupe Drouot, pour finalement prendre la direction générale de celui-ci en 2011, « sans être du sérail ». Parcours sans faute pour ce natif du Calvados, qui a passé ses trente premières années en Martinique avant de s’acclimater à « Paris, la pluie et le manque de luminosité ».
Premières armes à Fort-de-France
« Enfant, je voulais devenir pilote de ligne. » Fils d’un prof agrégé d’économie, monétariste, le jeune Olivier Lange est bon en maths, « mais pas suffisamment en physique-chimie ». Pas pour lui, donc, une carrière dans les airs… Une fois son bac en poche, il suit un cursus en comptabilité et finances. Il fait ses armes au sein d’un cabinet de commissariat aux comptes et expertise à Fort-de-France. Au programme : audit de distilleries de rhum et de quelques palaces ancrés dans les Caraïbes. Il a 31 ans lorsqu’il rejoint un cabinet parisien de commissaires aux comptes. Olivier Lange quitte alors la Martinique et amorce ce qu’il appelle sa « deuxième vie ». À savoir, « celle après les Antilles ». Il va rester huit années au sein de ce même cabinet, où il va « toucher à tout » : audit légal, gestion de patrimoine, acquisitions… Jusqu’au jour où Drouot se met à la recherche d’un directeur financier.
9 800 inscrits à une vente de montres en ligne
« Chez mes parents, j’avais l’habitude des beaux objets, puis, dans mon travail de consultant, j’avais accompagné une étude lors de la réforme de la profession en 2000 et ainsi découvert le métier de commissaire-priseur. Un professionnel que je perçois tel un passeur d’objets, d’histoires, de sentiments, un féru d’art et de culture », raconte Olivier Lange. Si bien que lorsque son profil intéresse Drouot, il ne débarque pas dans un monde totalement inconnu. Ses premiers temps de directeur financier au sein du pôle « média » du groupe sont marqués par une Gazette Drouot en pleine évolution. Mieux encore : il accompagne Georges Delettrez, ancien président de Drouot, pour écarter Pierre Bergé qui cherche alors à mettre main basse sur la totalité du groupe… Bon gestionnaire, apprécié des commissaires-priseurs, Olivier Lange trouve vite ses marques. Résultat : lorsqu’il s’agit de digitaliser Drouot, tous les regards se tournent vers lui. La tâche est lourde, mais l’adepte des défis a déjà les pieds calés dans les starting-blocks. Sa méthode ? Créer une dynamique de start up, pour l’agilité, et voir loin, pour mieux se projeter. Avec une première étape clé : la numérisation des catalogues, sans toutefois supprimer le papier. L’idée : « Toucher un public plus large, à commencer par la clientèle internationale. » Ça marche. Et la crise sanitaire de 2020 ne fait que porter la démarche. Au premier semestre 2025, la plateforme en ligne Drouot.com représentait ainsi 202,7 millions d’euros de ventes – soit une progression de près de 4% par rapport aux 195,2 millions d’euros du premier semestre 2024. Mais Drouot.com, c’est aussi quelque 750 maisons de vente affiliées et 600 000 inscrits. D’où ce récent record : 9 800 personnes ont suivi une vente de montres en ligne, sans bug ni crash, « grâce à un système informatique robuste ». Et l’intelligence artificielle (IA) dans tout ça ? « Nous l’utilisons pour améliorer nos moteurs de recherche, mieux hiérarchiser l’information et structurer notre base de données », détaille le directeur général de Drouot. Pour cela, une vingtaine d’ingénieurs sont sur le pont, dont une spécialiste de l’IA qui vient d’être embauchée. Résultat : aujourd’hui, en Europe, Drouot.com se hisse au premier rang des plateformes de ventes aux enchères publiques.
« À Drouot, je suis dans mon élément »
Même s’il a été le chef d’orchestre de la digitalisation de Drouot, Olivier Lange reste attaché à « la vente physique ». À l’instar des commissaires-priseurs, dont il admire le travail et l’implication. D’ailleurs, ce qu’il préfère dans l’Hôtel Drouot, « c’est venir dans les salles d’exposition juste avant l’ouverture, lorsque celles-ci sont encore vides de tout visiteur. C’est l’occasion de voir des objets que l’on ne reverra plus et de créer une certaine intimité avec eux ». « À Drouot, je suis dans mon élément », dit encore Olivier Lange. « Car, poursuit-il, je suis avide de découvertes. Les salles sont comme un musée éphémère, qui renvoie une image de la France tel un pays de collectionneurs. » Parmi les dispersions qui l’ont le plus bluffé depuis son arrivée, il cite volontiers la vente André Breton - « 17 jours de vacation et 4 100 lots » -, celle de la collection d’arts primitifs de Pierre et Claude Vérité ou encore la dispersion des 725 lots, dans 7 salles, de l’ancienne collection du pionnier de l’aviation, industriel et mécène Paul-Louis Weiller. Une vente durant laquelle « un vase chinois d’époque Qianlong, daté de 1785, a été adjugé 2 millions d’euros ». Enfin, Olivier Lange se souvient de « Big John » : en octobre 2021, ce squelette de tricératops de huit mètres de long a été adjugé à 6,6 millions d’euros à un particulier américain. Un record en Europe pour la vente d’un fossile de dinosaure… de 66 millions d’années.