Une file pour acheter le pain. Une foule installée pour un premier café. À 10 heures du matin, la Boulangerie Méditerranéenne du boulevard de Courcelles – entre les Ternes et le parc Monceau -, à Paris, affiche quasi complet. Elle n’est ouverte que depuis un mois. Réussite immédiate. C’est déjà un QG d’habitués, de voisins, de copains. La raison du succès ? Une certaine idée du coffee shop, pensé comme un lieu hybride, où l’on vient chercher sa baguette, déguster une tarte – salée ou sucrée – ou une focaccia, tremper un pain au chocolat ou une brioche dans un cappuccino, saucer l’assaisonnement d’une salade, rencontrer un ami, donner un premier rendez-vous, déjeuner, goûter… la liste est infinie, tant que les saveurs racontent le Sud et le soleil. Derrière ce concept, qui compte déjà deux adresses franciliennes, on trouve David Batty. Un jeune « quinqua » qui a eu plusieurs vies.

© Marie Desprez

D’hypokhâgne à Radio Grenouille…

D’origine charentaise, il a toujours été sensible aux contenus des casseroles de sa mère. Mais dans les années 1980, dire à ses parents que l’on veut tout quitter pour un CAP de cuisine, ce n’est pas si évident. Surtout que le jeune Batty est plutôt bon en classe. La preuve : après une hypokhâgne à Bordeaux, il intègre une fac d’histoire à Bristol, en Angleterre, enchaîne avec un 3e cycle en relations internationales à Aix-en-Provence, part un an à l’université de Pékin, en Chine, et passe le CAPES à Marseille, en vue de devenir prof d’histoire. Il est recalé. « Mon entourage était triste, moi pas du tout ! », confie-t-il en souriant. Un service civil plus tard, on le retrouve assistant du directeur de Radio Grenouille, à la Friche Belle de Mai. Là, lorsqu’il s’empare d’un Nagra pour la première fois – oui, ça sent bon les années 1990 ! -, c’est pour aller interviewer chefs, producteurs, restaurateurs… La food devient son terrain de jeu. C’est d’ailleurs sur ce même thème qu’à son arrivée à Paris en 2000, il va bosser pour France Inter, France Culture, la chaine de télé Paris Première, mais aussi des titres de presse écrite tels que Madame Figaro, VSD, Stiletto ou encore Régal. « Je suis resté une dizaine d’années freelance, puis autant à la rédaction en chef du magazine Sport&Style de L’Équipe », détaille David Batty. Un mensuel où il avait demandé « une liberté totale », qu’il a obtenue. Un vrai luxe.

© Marie Desprez

Un CAP boulangerie en 10 mois

« Je suis inapte à l’entreprise… des autres ! » David Batty pratique la punchline. Passé dans la presse oblige. Aujourd’hui, devenu entrepreneur, il se souvient de la fin de Sport&Style. Une fin de vie liée au Covid. La pandémie a, en effet, mis un terme à la publication. Son rédac’ chef s’est alors retrouvé au chômage technique. Dix-huit mois sans bouclages et un « ras-le-bol du milieu du journalisme » qui se sont transformés en licenciement et formation à la boulangerie, le temps d’un CAP à Ferrandi. « J’ai eu 5 mois de cours et 5 mois de stage, dont un premier chez Christophe Michalak, puis un second – plus long – chez Ten Belles Bread. » Une fois diplômé, David Batty était certain d’une chose : « Je n’avais pas envie d’être dans la production. Je voulais créer ma boulangerie. » Fin 2022, il saute le pas, rachète un fonds de commerce et ouvre une boutique à Montrouge – ville qu’il ne connaît pas -, à deux pas de la mairie et du métro, dans un local déniché par le cabinet Huchet Demorge. D’emblée, il positionne sa première Boulangerie Méditerranéenne comme « un lieu de vie – de 45 m2 avec terrasse - au milieu d’un village ».  Ça marche illico : « En 3 ans, le chiffre d’affaires a été multiplié par 6. » D’où l’idée de dupliquer le concept en 2025, dans Paris intra-muros.

@ Marie Desprez

Il veille aux grains…

@ Marie Desprez

Boulevard de Courcelles, David Batty a vu plus grand : 100 m2 en rez-de-chaussée, une terrasse et 110 m2 en sous-sol « pour la prod’ ». Sa garde rapprochée ? Son compagnon, Thomas, chargé des ressources humaines et de l’administratif, Ivan, le financier avec lequel il a construit son modèle économique, sans oublier les 28 salariés des deux boutiques, dont un boulanger par adresse, mais aussi des pâtissiers, touriers, spécialistes du salé, vendeurs… Cinq jours sur sept, David Batty se partage entre Montrouge et Paris, pour s’assurer que « tout sort des fours avec une même régularité de qualité ». Il veille aux grains, surveille la mise en place « qui doit donner envie ». Ici, rien n’est sous cloche. Tout se voit, se sent, se ressent. Quant aux producteurs sollicités, David Batty a son réseau : une quinzaine de fournisseurs parmi lesquels figurent la Brûlerie de Belleville, le Parti du thé, les épices Nomie, du miel en provenance de Manosque ou encore une sélection de farines bio des Moulins Bourgeois. Rien n’est laissé au hasard pour que, chaque matin, il soit réveillé par les odeurs de pains au chocolat sortis du four. Car si David Batty ignorait tout de Montrouge en 2022, depuis il a élu domicile juste au-dessus de sa première boulangerie, « au cœur de la place du village ».