ILS FONT DROUOT : 1 série / 7 épisodes
À l’occasion de la réouverture, le 1er octobre 2025, du café L’Adjugé, situé au rez-de-chaussée de Drouot, 1 Epok formidable a poussé la porte de cet Hôtel très particulier, créé en 1852. Une institution qui reste la seule au monde à rassembler en un lieu unique – au 9 rue Drouot, dans le 9e – des maisons de vente d’horizons très différents, qui couvrent aussi bien l’Antiquité que le street art. De mai à juillet 2025, six personnalités et un duo, qui « font » Drouot, se sont ainsi confiés sur leur parcours, leur travail, leurs anecdotes… Le résultat : une série de sept épisodes, qui pose un ton et un regard sur « le seul magasin où il faut payer plus cher pour faire une bonne affaire ».
ÉPISODE 6
Le journalisme, « c’est par hasard, car ce n’est pas mon premier métier ». Sylvain Alliod, aujourd’hui rédacteur en chef de La Gazette Drouot, n’avait pas d’idée précise sur ce qu’il voulait faire « plus tard », lorsqu’il était adolescent. Originaire du centre de la France, une fois son bac en poche, il décide de s’inscrire en fac de droit à Clermont-Ferrand. Assez vite, l’histoire de l’art l’attire. Il « monte » alors à Paris, réussit l’examen d’entrée à l’école EAC, qui forme aux métiers du marché de l’art, et consacre un mémoire au design, discipline pour laquelle il se passionne. Quelques stages au VIA – structure dédiée à la valorisation du « french design » -, en galeries ou encore à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) complètent son cursus. Jusqu’au jour où il recroise la route de Flore de Brantes – « une ancienne élève de l’EAC » -, qui cherchait à renforcer son équipe, le temps d’une vente aux enchères en province. Sylvain Alliod dit banco. Nous sommes à l’orée des années 1990, le marché de l’art s’est effondré, les galeries n’embauchent pas, le jeune diplômé accepte donc la mission pour dépanner une étude parisienne. Les enchères, c’est une première pour lui. Mais il va s’en sortir haut la main. Si bien que l’étude va l’engager comme clerc. Sa mission ? Être une sorte de couteau suisse. Autrement dit : assister le commissaire-priseur lors des ventes, mais aussi durant l’inventaire des pièces à présenter au public, leur expertise, les estimations, sans oublier la conception et la publication des catalogues à chaque dispersion… Résultat : « Lors de ma première vente à Drouot, j’avais 22 ans et je savais tout faire. Je prenais même les ordres d’achat ! »
« J’ai fait un test… et l’on m’a gardé »
Sylvain Alliod sera clerc durant sept années. Son salaire – « peu attractif » - et le manque de perspective vont l’inciter à chercher ailleurs. Il a envie d’autre chose. Il veut bouger, changer, sans pour autant s’éloigner de Paris. « Dans l’étude, je m’occupais - aussi ! - de la publicité et j’avais sympathisé avec une journaliste de La Gazette Drouot », confie-t-il. Un sens du relationnel doublé d’une expérience d’écriture – « le temps d’une mission de recherche pour le VIA » -, ainsi qu’une facilité « pour décrire et raconter » : de bons atouts pour débuter dans la presse. Si bien que lorsque la chroniqueuse de la rubrique « Adjugé à Paris » quitte La Gazette Drouot en 2001 et que le rédacteur en chef du magazine souhaite accorder une véritable place au design, dans ses colonnes, il propose le package à Sylvain Alliod. L’ancien clerc saisit aussitôt l’opportunité : « J’ai fait un test en rendant un premier article. Il était concluant et l’on m’a gardé. »
« Aucun droit à l’erreur »
La Gazette Drouot, aujourd’hui, c’est un tirage de 28 000 exemplaires chaque semaine, près de 12 000 abonnés – « parfois depuis plusieurs générations ! » - et une pagination qui oscille entre 120 et 320 pages. Signe particulier : avec un lectorat de collectionneurs et de connaisseurs, « il n’y a aucun droit à l’erreur », souligne Sylvain Alliod, à la tête de la rédaction en chef du magazine depuis 2015. Une promotion à laquelle il ne s’attendait pas : « Le directeur général de Drouot et des rédactions, Olivier Lange, voulait refondre La Gazette Drouot, la réagencer, réorganiser les rubriques. Il m’a proposé cette mission, que j’ai acceptée. » Sylvain Alliod a également créé la partie « Art et enchères » du magazine et monter encore d’un cran la qualité rédactionnelle des articles. « Pas une exposition n’est chroniquée sans qu’un journaliste n’y soit allé », assure-t-il. Exigeant, il prône également une extrême rigueur pour chaque texte. À commencer par les légendes des photos ou l’agenda des ventes de la semaine, véritable ADN du titre, « dont on doit maîtriser le calibrage, mais pas changer l’esprit du contenu ». Pour l’aider dans l’exercice minutieux de la relecture, il peut compter sur deux secrétaires de rédaction et deux correctrices. Quant à l’équipe de rédacteurs, elle réunit six permanents dans les locaux du boulevard Montmartre – à deux pas de l’Hôtel Drouot –, auxquels s’ajoutent « une trentaine de pigistes ». Leur profil ? « Ils sont d’abord férus et calés en histoire de l’art, avant d’être journalistes. »
La bibliothèque de la rédaction abrite la totalité des numéros de La Gazette Drouot, hebdomadaire fondé en 1891. Une mine d’infos, toujours en cours de numérisation. Tout un univers qui conte et raconte l’Hôtel Drouot, ses coulisses comme ses salles d’expositions : « C’est là où tout se passe. C’est un maelstrom permanent, avec des mises en scènes développées et montées en un temps record. Puis tout se défait, tout disparaît le lendemain, pour mieux revenir le jour d’après… C’est magique », commente Sylvain Alliod. Une magie qui a ses fidèles partout dans le monde. La preuve : « Nous avons un service avec le transporteur DHL, pour que La Gazette Drouot soit reçue par certains abonnés, domiciliés à l’étranger, en même temps qu’à Paris, le vendredi matin. »
À suivre... -> ÉPISODE 7