ILS FONT DROUOT : 1 série / 7 épisodes

À l’occasion de la réouverture, le 1er octobre 2025, du café L’Adjugé, situé au rez-de-chaussée de Drouot, 1 Epok formidable a poussé la porte de cet Hôtel très particulier, créé en 1852. Une institution qui reste la seule au monde à rassembler en un lieu unique – au 9 rue Drouot, dans le 9e – des maisons de vente d’horizons très différents, qui couvrent aussi bien l’Antiquité que le street art. De mai à juillet 2025, six personnalités et un duo, qui « font » Drouot, se sont ainsi confiés sur leur parcours, leur travail, leurs anecdotes… Le résultat : une série de sept épisodes, qui pose un ton et un regard sur « le seul magasin où il faut payer plus cher pour faire une bonne affaire ».


ÉPISODE 4

Fils de militaire, Bruno Deschand a beaucoup bougé lorsqu’il était enfant. Alors il sait s’adapter. Vite. À tous types de situations. S’il a été choisi en novembre 2023 pour diriger l’Hôtel Drouot, à Paris, c’est parce qu’il a prouvé aussi, sur le terrain professionnel, qu’il était capable de changer d’univers, d’atmosphère, de marque, tel un caméléon qui se fond illico dans un nouveau décor. Après s’être illustré chez Revlon, Kenzo, Levi’s et Yves Rocher, cet expert du retail et du marketing s’est emparé du 9 rue Drouot et de ses 7 000 m2, « comme si c’était un grand magasin ». Il ajoute : « J’aime les sociétés qui ont un ADN fort et des histoires à raconter. » En posant ses bagages dans un bureau du 2e étage de la maison de ventes parisienne, il n’a pas été déçu.

Il n’a jamais compté ses heures…

Né à Tours en 1973, Bruno Deschand n’avait pas d’idée précise sur le métier qu’il voulait exercer. Une fois à l’université, il cible le commerce et le marketing, disciplines qui l’inspirent plus que d’autres. « Avant d’arriver à Drouot, je suis passé par quatre belles maisons », comme il dit. Lorsqu’il intègre la première, Revlon, il a 25 ans et prépare en parallèle un master en marketing à l’université de Caen. D’emblée, il n’a jamais compté ses heures. Sinon il ne serait pas hissé au poste de directeur du retail chez Kenzo. On ne lui aurait pas non plus confié les grands comptes chez Levi’s. Marque dont il a notamment supervisé l’ouverture du flagship de 1 200 m2 sur les Champs Elysées, avec 80 salariés, 5 000 jeans dans le magasin et autant en réserve. Puis, il va rester une dizaine d’années chez Yves Rocher, jusqu’à chapeauter le réseau de 250 boutiques.

Sa mission : piloter et animer l’Hôtel Drouot

C’est un chasseur de têtes qui approche Bruno Deschand, lorsque Drouot recherche la perle rare. À savoir : un profil sensible à l’art, mais surtout performant dans le secteur du retail, avec pour mission de piloter et animer l’Hôtel Drouot. Bruno Deschand coche toutes les cases, sans connaître pour autant les salles de ventes du 9e arrondissement : « Je n’y étais jamais venu. » Alors il a potassé un maximum de livres consacrés à Drouot, son histoire, ses rites et rituels depuis 1852. Ce qui l’a le plus séduit ? « La disparité des objets dispersés, où l’on trouve aussi bien un lustre à 40 euros que le sabre de Napoléon Ier adjugé à 4,7 millions… » Et ce qu’il préfère aujourd’hui ? « Le hall d’entrée de l’Hôtel Drouot. J’y suis chaque matin à l’ouverture à 11 heures. J’accueille les clients comme dans un grand magasin. »

Drôle de ballet

En plus des 2 500 visiteurs quotidiens, l’Hôtel Drouot reçoit une pléiade de manutentionnaires, transporteurs, commissaires-priseurs, clercs, experts… Du beau monde pour réceptionner, poser, exposer les quelque 300 000 œuvres et objets d’art vendus chaque année. Des pièces de toutes les époques, de tous les styles, de toutes les tailles, qui circulent entre le quai de livraison, les allées du magasinage et les salles d’exposition, grâce à un monte-charge XXL, premier ascenseur hydraulique de Paris, conçu en 1869 par l’ingénieur Léon Édoux. « L’organisation est quasi-militaire », souligne Bruno Deschand. Car pas question de casser, érafler ou perdre quoi que ce soit. Et les équipes réitèrent ce drôle de ballet à chaque nouvelle vente. Avec l’obligation de tout installer et scénographier avant 11 heures du matin et l’arrivée des premiers visiteurs, puis de tout remballer le lendemain soir, une fois la vente aux enchères terminée.

Le voisin de l’ascenseur

« Je reste un homme de terrain avant tout et je cherche à fédérer les équipes grâce à un management de proximité », explique Bruno Deschand. Une méthode qu’il applique en misant sur « l’interaction, l’agilité, l’adaptabilité », en vue de toujours améliorer « la performance économique du site ». Si bien que dans une même journée, il multiplie les allers-retours entre les sous-sols du magasinage et le 2e étage où son bureau – « voisin de l’ascenseur » - reste ouvert en permanence. Il connaît le nom de toutes les têtes qu’il croise. Il sourit à tous. Et lorsqu’il passe par les salles d’expositions, il s’amuse à observer la cohabitation entre deux mondes, incarnés par deux types de visiteurs : « D’un côté, ceux qui manipulent encore papier et crayon. De l’autre, ceux qui tapotent sur les bornes tactiles désormais à disposition. » L’Hôtel Drouot mue, mute, évolue, dans sa forme et son fonctionnement, mais pas dans sa fonction première. L’institution continue de faire rêver. À l’instar du premier souvenir qui a marqué Bruno Deschand. À savoir la vente de la collection Jean et Violet Henson par l’étude Couteau-Bégarie, fin novembre 2023 : « Je venais d’arriver et j’ai été fasciné par cette dispersion, composée notamment de quatre œuvres d’Alberto Giacometti et d’un petit modèle en bronze de Rodin. J’avais les yeux qui brillaient. »

À suivre... -> ÉPISODE 5