ILS FONT DROUOT : 1 série / 7 épisodes

À l’occasion de la réouverture, le 1er octobre 2025, du café L’Adjugé, situé au rez-de-chaussée de Drouot, 1 Epok formidable a poussé la porte de cet Hôtel très particulier, créé en 1852. Une institution qui reste la seule au monde à rassembler en un lieu unique – au 9 rue Drouot, dans le 9e – des maisons de vente d’horizons très différents, qui couvrent aussi bien l’Antiquité que le street art. De mai à juillet 2025, six personnalités et un duo, qui « font » Drouot, se sont ainsi confiés sur leur parcours, leur travail, leurs anecdotes… Le résultat : une série de sept épisodes, qui pose un ton et un regard sur « le seul magasin où il faut payer plus cher pour faire une bonne affaire ».


ÉPISODE 5

C’est une affaire de famille. De père en fille. Le premier, Frédérick Chanoit, commissaire-priseur de formation, expert en assurance, puis galériste, fonde son cabinet d’expertise à la fin des années 1990, au numéro 12 de la rue Drouot. Juste en face de l’hôtel des ventes éponyme. Sa spécialité ? Les tableaux et dessins des XIXe, XXe et XXIe siècles. La secon de, Pauline Chanoit, le rejoint en 2008. Par envie. Par passion. « Quand j’étais petite, mes parents m’emmenaient aux puces, dans les musées… », confie-t-elle. Sa première fois à Drouot ? Elle était ado. D’où un œil vif, exercé tôt à repérer un détail, un style, la marque d’une époque.

« J’ai découvert… la compta ! »

Gamine, Pauline Chanoit voulait devenir, avocate - « après avoir vu le procès de Klaus Barbie à la télé » -, médecin ou psychologue. Finalement, elle va cumuler du droit et de l’histoire de l’art à l’université Paris-Panthéon Assas, un cursus à l’École du Louvre – « pour compléter la fac » –, jusqu’à obtenir son diplôme de commissaire-priseur. Son premier job ? « C’était dans une start-up qui développait des inventaires numérisés. » Elle n’avait pas encore terminé ses études et vivait alors à Londres. À cette même période, un collaborateur de son père quitte le cabinet d’expertise de la rue Drouot. Une opportunité. Pauline Chanoit ne va pas la laisser passer. Ce dont elle se souvient de son retour à Paris ? « À mon arrivée au cabinet, j’ai découvert… la compta ! Puis la réalité de terrain… » Celle qui forge à la fois le caractère et une réputation.

Mouchoir de poche

« Un expert, c’est un sachant. Et s’il ne sait pas répondre à une question, il sait où trouver la réponse… À savoir dans une lourde documentation, essentiellement composée de catalogues raisonnés. » Pauline Chanoit travaille au milieu de piles d’ouvrages qui font référence dans son secteur d’expertise. Pour certains artistes, comme Picasso, les ressources bibliographiques se comptent en plusieurs volumes. Si bien que la place manque vite au 12 rue Drouot. Un cabinet tel un mouchoir de poche, où l’effectif est passé de trois à cinq salariés depuis la fin des années 2 000. « Nous travaillons avec une centaine de commissaires-priseurs, ainsi qu’auprès du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris pour certaines donations », détaille Pauline Chanoit. Résultat : « Aucune journée ne se ressemble ! » Et ce d’autant qu’en étant situé face à l’Hôtel Drouot, collectionneurs, commissaires-priseurs, marchands d’art, conservateurs de musées… tous poussent volontiers la porte du cabinet, sans toujours prévenir à l’avance.

2,3 millions d’euros pour un tableau de Picasso

« Lorsque l’on nous soumet une œuvre, il faut être sûr de soi et des informations quant à l’auteur, la datation, la technique picturale utilisée, les dimensions…  Une estimation se réalise en fonction de tous ces critères », explique Pauline Chanoit. Parfois, l’expert a peu de temps pour agir. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il accompagne un commissaire-priseur lors d’un inventaire de succession ou lorsqu’il faut vite poser les bons mots sur une œuvre en attente dans un entrepôt. C’est dans de tels contextes qu’elle a été capable d’attribuer un tableau, passé inaperçu, au peintre ukrainien Pokhitonov et, ainsi, faire grimper son estimation à près de 15 000 euros… Autre souvenir marquant de Pauline Chanoit : « C’était en mai 2023, lors d’une vente menée par le commissaire-priseur Emmanuel Farrando. Il s’agissait du contenu entier d’un bel appartement situé à Neuilly-sur-Seine, où j’ai pu expertiser plusieurs œuvres de Vieira da Silva et un tableau de Picasso. Celui-ci a ensuite été adjugé à 2,3 millions d’euros, à Drouot. »

« L’expérience, c’est ce qu’il y a de mieux »

« Ce que je préfère à Drouot, c’est faire le tour des salles, pour m’ouvrir à d’autres choses dans ce musée à ciel ouvert », dit encore Pauline Chanoit. Son conseil à un futur expert ? « Fréquenter les musées, les salles de ventes… bref, faire du terrain. L’expérience, c’est ce qu’il y a de mieux. » À cela s’ajoute le carnet d’adresses, bien sûr : à commencer à remplir dès les premiers contacts avec l’univers des enchères. Enfin, Pauline Chanoit souligne l’importance de « savoir être rassurant », en particulier lorsqu’il s’agit d’accompagner, guider et conseiller, une personne qui souhaite se séparer de sa collection. « Car, conclut-elle, si pour certains, c’est une évidence de se défaire d’une œuvre, pour d’autres c’est une épreuve. »

À suivre... -> ÉPISODE 6