Nom : Owens. Prénom : Rick. Naissance : le 18 novembre 1961 à Los Angeles. Profession : créateur de mode. Signe particulier : sa vie bascule à la fin des années 1970, lorsqu’il croise la route de la française Michèle Lamy, sensibilisée à la philo avec Gilles Deleuze comme prof, ex-avocate devenue entrepreneuse, artiste, productrice et mécène. Jusqu’au 4 janvier 2026, le Palais Galliera, à Paris, propose une exposition intitulée « Rick Owens – Temple of Love ». Au programme : une rétrospective du travail du créateur depuis ses débuts, une immersion dans ses sources d’inspiration, une centaine de silhouettes et des archives personnelles qui en disent long sur cet avant-gardiste, qui a fait de l’audace un moteur et de la liberté, un style.
Un univers hanté par Wagner, Proust et Bowie
L’exposition a ouvert ses portes en pleine « fashion week ». Si bien qu’il y en avait du modeux, en journée, lors de la présentation à la presse, et plus tard, en soirée, pour le vernissage. Sosies d’Ovidie – l’intello du porno -, beaux gosses parés de cuir noir ou venus le torse nu, sans oublier les photographes Ellen von Unwerth et Patrice Calmettes… bref, ça balançait pas mal à Paris ce 25 juin 2025. Parce que Rick Owens fédère. Tant par son univers, hanté par Cecil B. DeMille, Richard Wagner, Marcel Proust, Klaus Nomi ou David Bowie, que par les messages politiques que délivrent ses collections de vêtements. Ainsi, au milieu des années 2010, en réaction notamment à l’inaction face au réchauffement climatique, Rick Owens augmente de façon radicale les proportions de ses silhouettes, bottes comprises. Autre exemple : en 2014, le défilé Vicious intègre le stepping, une danse qui symbolise la lutte raciale et le droit des femmes. Quant au défilé Cyclops, en 2016, il met en scène des duos de danseuses et de gymnastes qui se portent l’une l’autre. Une façon d’évoquer la maternité, mais aussi la solidarité entre les femmes.
Sexe, drogue, alcool...
Les salles du Palais Galliera explorent un parcours et décryptent un discours, pour mieux remonter le temps qui a formé et transformé Rick Owens. « Les vêtements que je crée sont mon autobiographie. C’est l’élégance calme à laquelle j’aspire et les dégâts que j’ai causés en chemin », reconnaît le créateur californien. Le visiteur débute donc sa découverte avec les années passées à Los Angeles. D’abord dans une école d’art – l’Otis Art Insitute of Parsons School of Design –, dont Rick Owens claque la porte au bout d’un an. Puis au Los Angeles Trade Technical College, dont il sort diplômé en patronage et en production textile industrielle. La suite : il devient patronnier pour des enseignes de contrefaçon de vêtements de créateurs en vue et se frotte à la scène underground de la Cité des Anges, où il use et abuse de tout : sexe, drogue, alcool... Résultat : à l’orée des années 1990, les premiers vêtements qui portent son nom témoignent de ses excès, avec des matières récupérées et volontairement décolorées, comme patinées par les vices et sévices d’une vie sans limite. Entre-temps, il rencontre Michèle Lamy, à la tête d’un studio de création de vêtements et propriétaire du Café des Artistes, à Los Angeles. Le duo ne se quitte plus. La créativité les guide. Le mariage les unit pour le meilleur. En 2001, Kate Moss porte une veste en cuir signée Rick Owens dans les colonnes du Vogue Paris. C'est le début de la gloire. Puis la photographe Annie Leibovitz réalise un portrait du créateur pour le Vogue US. La cote du Californien grimpe un peu plus encore. Vont ensuite s’enchaîner un défilé « officieux » aux Deux Cafés - autre restaurant de Michèle Lamy, à L.A. – et un premier « officiel » à New York, en 2002. Un an plus tard, Rick Owens est nommé directeur artistique de la maison de fourrure Révillon, à Paris. Il pose alors ses bagages dans la capitale, au 7 bis place du Palais Bourbon, dans l’ancien QG du PS, lorsque François Mitterrand en était le patron.
Liberté d’action et d’expression
La salle de Galliera consacrée au Paris de Rick Owens montre et raconte, tout en lumière du jour, des défilés spectaculaires, ainsi que des créations souvent comparées à l’architecture brutaliste. Et pour cause : « Mon livre de photo préféré est Bunker Archéologie de Paul Virilio », confie Rick Owens. Un ouvrage consacré aux blockhaus de la Seconde Guerre mondiale sur la côte Atlantique française. Bâtisses dans lesquelles le créateur aime à croire que ses vêtements ont leur place… L’arrivée à Paris, c’est aussi le lancement d’une ligne de mobilier dès 2005, supervisée par Michèle Lamy. Puis, à partir de 2009, une multitude de collaborations sont orchestrées avec des marques telles qu’Eastpack, Adidas, Birkenstock, Veja, Moncler, Converse ou encore Rimowa en 2025. La liberté d’action et d’expression est totale. À l’image de la salle baptisée « La joie de la décadence » dans l’exposition du Palais Galliera. Une pièce où il est interdit de prendre une photo. Une pièce déconseillée aux âmes sensibles. Une pièce qui aurait donné des idées aux patrons de clubs gay des années 1990, pour animer leurs backrooms… Une pièce comme une rigolade pour Rick Owens, qui n’y voit qu’une fantaisie de plus et pas un excès de trop. Quant à l’ultime salle du parcours de l’exposition, elle recrée la chambre et la garde-robe de Rick Owens et Michèle Lamy, dans leur studio de Las Palmas Avenue, lorsqu’ils vivaient encore à Los Angeles. Les livres rangés sur les étagères proviennent de leur propre bibliothèque parisienne. Quant au lit, dessiné par Rick Owens, il s’agit de l’une de ses premières créations de mobilier.
Installations XXL et ipomées bleues
Le voyage s’achève dans le jardin de Galliera, avec un trio de silhouettes XXL, qui reprennent la forme des fameuses capes créées par Rick Owens. Ces installations rendent hommage à la statue de Sainte Geneviève par Paul Landowski, posée en surplomb sur le pont de la Tournelle, au cœur de la capitale. Perfectionniste, soucieux des détails, le créateur californien a également travaillé avec les jardiniers de la Ville de Paris pour imaginer un décor de feuillages sombres et d’ipomées bleues – sa fleur préférée -. À cela s’ajoute une installation de 30 Prongs, sculptures de béton reprenant la forme du mobilier brutaliste qu’il conçoit avec Michèle Lamy. Enfin, le restaurant du musée s’est mis, lui aussi, aux couleurs de l’exposition. Les costumes des serveurs sont signés Rick Owens. Quant à la carte, elle a été revisitée par Michèle Lamy, en souvenir des deux établissements qu’elle a ouverts à Los Angeles. Boucle bouclée du parcours singulier d’un duo inspiré.
Rick Owens – Temple of Love : jusqu’au 4 janvier 2026 au Palais Galliera, musée de la mode de Paris –> 10 avenue Pierre Ier de Serbie, Paris 16e – Du mardi au dimanche, de 10h à 18h – Nocturne le vendredi jusqu’à 21h.