« Il n’y a pas de code. Pour entrer, il suffit de pousser la grille… » Pas fréquent en plein Paris. La suite : une cour de la rue d’Aboukir à traverser et trois étages à grimper à pied, faute d’ascenseur. « Voilà… C’est ici que nous travaillons. » Colombine Jubert, sweat-shirt estampillé « Les financiers de l’apocalypse » - « une private joke avec mon père »-, smartphone turquoise en bandoulière et tote bag de la librairie parisienne Ofr sur l’épaule, pousse une petite porte planquée entre deux paliers. Derrière, plusieurs pièces en enfilade, au milieu desquelles des tables servent de plan de travail pour mesurer, couper, découper, ajuster, assembler, coudre, coller, scotcher… La matière première : des tissus de seconde main. Des fins de rouleaux. Des chutes récupérées dans de grandes maisons de couture. « Même des toutes petites chutes, on en fait des chapeaux… » Un parti pris pour le zéro gaspi, commun à Colombine Jubert et sa complice Laëtitia Rouget. Respectivement âgées de 32 et 34 ans, elles ont créé Pangea en 2020, durant les mois de confinement. L’idée : rompre avec la crise, casser la morosité, chasser les idées noires et faire place au rêve, à l’optimisme, en misant sur une utopie où art, mode et performances inspirent, guident, redonnent de l’espoir. Entre création et récréation, ce duo a choisi les drapeaux pour s’exprimer et hisser haut ses jeux de couleurs.

« Sans limite »

Colombine Jubert et Laëtitia Rouget se sont rencontrées à la fin des années 2000 sur les bancs de la Central Saint Martins School, à Londres. La première était en section illustration, la seconde en mode. « Nous avons habité ensemble tout de suite », racontent ces franciliennes qui ont grandi aux opposés : Saint-Cloud pour Colombine Jubert, Saint-Maur pour Laëtitia Rouget. Durant leurs trois années de cursus, elles avaient envisagé de travailler ensemble. Mais c’était resté à l’état de projet. Rien de plus. Car, une fois diplômées, les copines de classe ont chacune pris leur route. Colombine Jubert a enchaîné Londres, chez le styliste Alexander McQueen, Paris au sein de la maison Dior – dont elle se souvient encore de la minutie des petites mains…-, puis New York aux côtés d’un trio de créateurs d’avant-garde, où elle a pris goût pour les petites structures. Laëtitia Rouget, quant à elle, a glissé de la mode vers la céramique, le dessin et la peinture, le tout à Lisbonne, où elle vit toujours.  Les périodes de confinement vont les rapprocher, d’abord par visio, puis plus tard de visu. Les contours du projet Pangea se dessinent et se décident à distance. Avec l’envie de faire cause commune. À savoir : unir leur passion du tissu, de la couture et du sur mesure, « sans limite dans la création », soulignent-elles. Quant aux choix des drapeaux, tels des étendards aux couleurs de leur vision de la liberté, légèreté, poésie, rêverie, « ils se plient, s’empilent, s’expédient facilement, car nous voulons faire voyager nos œuvres », explique le duo de talents sans frontières.

« L’envie de conquérir le ciel »

Les premières expositions des œuvres de Pangea ? C’était sur Instagram. Puis, les fondateurs d’Ofr repèrent les fameux drapeaux et en accrochent une quinzaine dans leur librairie du Marais, en 2021. À cela s’ajoutent des performances, une résidence d’un an au Consulat Voltaire, dans le XIe arrondissement de la capitale, des collaborations, dont une avec Paris Aéroport, dans le cadre d’une fresque illustrant les engagements de Paris-Orly en faveur de la transition écologique. C’est aussi sur Instagram que le Conran Shop a découvert Pangea. Résultat : depuis un an, l’enseigne commercialise les drapeaux du duo, ainsi qu’une sélection de céramiques réalisées par Laëtitia Rouget. Clou du spectacle : du 16 janvier au 26 février 2023, le Conran Shop parisien, rue du Bac, accueille Pangea à travers une installation textile exclusive, baptisée « La Maison Magique ». Au programme : rubans brodés, rideaux, drapés et drapeaux… le tout suspendu. Il va donc falloir lever la tête en entrant dans le magasin, afin d’apprécier « l’envie de conquérir le ciel » de Pangea. Tous les textiles utilisés pour cette expo sont issus du recyclage et mêlent patchwork avec broderie. Des fabrications textiles « made in Paris », car c’est dans l’atelier de Pangea, rue d’Aboukir, qu’ils ont vu le jour. Le résultat : la « Maison Magique » invite à « rêver, penser, imaginer le monde de demain ». Une installation accompagnée d’une curation d’objets, où le meilleur de Pangea côtoie une sélection de  pièces exclusives The Conran Shop. Pour Colombine Jubert et Laëtitia Rouget, l’année 2023 démarre sur les chapeaux de roue. Avec une pléiade d’expositions, collaborations et performances. Les deux complices évoquent également un travail avec des cerfs-volants, clin d’œil à l’enfance, ou encore un projet de voile de bateau, « pour mettre un peu de poésie aussi sur la mer ».

Pangea, c’est aussi ICI , là @pangeaaa et à découvrir du 16 janvier au 26 février 2023 au Conran Shop : 117 rue du Bac, Paris 7e.