En attendant l’ouverture à Paris, courant 2023, de la Maison Gainsbourg, aux 5 bis et 14 rue de Verneuil, avec musée, librairie, café le jour et piano-bar le soir, rendez-vous au Centre Pompidou. La Bibliothèque publique d’information (BPI) propose une exposition intitulée « Serge Gainsbourg, le mot exact ». Pour la première fois, des manuscrits de l’artiste accompagnés d’une sélection d’ouvrages de sa bibliothèque, le tout en provenance de son domicile du 7e arrondissement, sont à voir du 25 janvier jusqu’au 8 mai 2023. Parce que littérature et poésie ont été sources d’inspiration pour Gainsbourg. Quant aux papiers, couvertures de journaux et autographes – de Robert Benayoun à Régine, en passant par une lettre de Chopin… -, il les collectionnait. L’écrit telle une conviction, une obligation, une obsession.

Manuscrit de L’Anamour © Maison Gainsbourg

Effets perso et doubles littéraires

Disparu en 1991, Gainsbourg a laissé derrière lui plus de 500 titres, écrits pour lui, écrits pour d’autres aussi. Les pages noircies par les paroles de L’Anamour ou celles d’Initials B.B. projettent illico dans le passé. Un passé fort bien recomposé dans cette BPI, véritable bouillon de cultures, qui invite à une plongée dans les effets perso de Gainsbourg. Et Gainsbarre dans tout ça ? L’expo le situe dans la lignée des doubles littéraires du XIXe siècle, du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde au Horla de Guy de Maupassant. Autant de pistes à suivre pour comprendre le processus d’écriture et de composition de l’artiste. Habile. Subtil.

Serge Gainsbourg en studio © Andrew Birkin

De la poésie latine au marquis de Sade

Dédicace de Philippe Bertrand © Maison Gainsbourg

À grand renfort de documents d’archives, trois parties thématiques rythment le parcours proposé à la BPI. Le paysage littéraire, tout d’abord, où se côtoient poésie latine, théâtre élisabéthain, mais aussi Rimbaud et Baudelaire, des textes du marquis de Sade comme ceux des romantiques, symbolistes, surréalistes... La pop culture est également représentée avec une pléiade de polars, BD, livres d’art, de photo, de cinéma… Le résultat : Baudelaire et Poe se retrouvent dans Initials B.B., Picabia dans Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve et Nabokov dans Jane B qui paraphrase le poème de Lolita.

Dandy déglingué…

Autre thème : « Du double littéraire au double médiatique ». Où l’on comprend que sa bibliothèque fournissait à Gainsbourg de quoi bâtir son image, mais aussi réussir ses métamorphoses. Quand il devient L’Homme à tête de chou, du titre de son album paru en 1976, il s’inspire d’une sculpture de Claude Lalanne, clin d’œil au Frankenstein de Shelley. Et quand il s’empare de Gainsbarre, il troque le costume cintré, guindé, pour un jeans usé, flingué. Le dandy se déglingue, un peu, beaucoup, à la folie... et ce dès 1965 avec Docteur Jekyll et Monsieur Hyde.

Unes de journaux au domicile de Serge Gainsbourg © Alexis Raimbault / Maison Gainsbourg

« Je pars du titre »

Enfin, l’expo se referme sur « la méthode Gainsbourg ». Avec un focus sur l’unité narrative d’un même album : l’Histoire de Melody Nelson, en 1971, en est l’un des premiers exemples en France. Puis, on se balade entre curiosités sonores, rimes en « ex » dans Comment te dire adieu, allitérations en « av » pour La Javanaise… Claude Nougaro qualifiait Gainsbourq d’« artiste mineur de fond ». Parce que l’auteur de Sea, sex and sun choisit le mot comme détonateur d’une chanson : « Je pars du titre. Puis, ce titre me donne le poème qui m’apporte, par le découpage de la versification, la structure musicale de la mélodie. En somme, dès que j’ai trouvé le titre, la chanson est pratiquement terminée. » À cela s’ajoute la capacité d’adaptation de Gainsbourg au style de ses interprètes comme aux sons et tonalités de chaque période qu’il traverse. En plus de 30 ans de carrière, il passe du jazz au yé-yé, rock, pop, reggae, funk… Il se fait caméléon et témoin d’époques aujourd’hui révolues. On ressort de cette flânerie dans la BPI avec de la nostalgie, camarade…

« Serge Gainsbourg, le mot exact » : du 25 janvier au 8 mai 2023 à la Bibliothèque publique d’information / Centre Pompidou - Entrée libre par la place Georges-Pompidou, Paris 4e. Lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 12h à 22h. Samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 22h. Fermé le mardi.