Elle reçoit les pieds nus et travaille par terre, assise en tailleur. Elle aime la flamiche au maroilles, les feuilles de menthe - de son balcon - dans l’eau qu’elle boit et les pignons à pas de moineaux. C’est quoi ça ? Ça se mange ? Pas du tout. Variante des pignons à échelons, typiques des maisons de Flandre, ce sont des éléments décoratifs d’architecture, dont Claire Fanjul est fan. Elle aurait pu être architecte ? « Non, parce qu’il faut que la bâtisse construite… tienne ! C’est trop fonctionnel pour moi. Il n’y a pas assez de rêve. » Elle, son truc, c’est le dessin. Gamine déjà, elle avait envie de peindre, colorier, pour exposer. Née à Liège, arrivée à Lille - où elle vit toujours - à l’âge de 4 ans, elle a naturellement intégré la fac - Lille 3 - en histoire de l’art et arts plastiques. Un cursus qu’elle a poussé jusqu’au doctorat, avec une thèse sur « l’acte de graver ». Mais à la théorie, elle préfère de loin la pratique, le geste, le « faire », la création… Tout ce qui peut laisser libre cours à son imagination. Un imaginaire peuplé de blasons et de bestiaires du Moyen Age. Pas banal. Des animaux, petits ou gros, à plumes, à poils, à bec ou à crocs, qu’elle croque avec dextérité et subtilité. A plat sur du papier, matière première qu’elle affectionne, mais aussi en trois dimensions sur des œufs d’autruche ou, plus inattendu, sur des crânes en céramique.

« Allez voir mon compte Instagram ! »

Si Claire Fanjul a enseigné un temps à la fac et dans une école de graphisme à Lille, aujourd’hui elle ne se consacre plus qu’à son art. Quand on lui demande ce qu’elle fait dans la vie, elle hésite entre dessinatrice et illustratrice. « Artiste plasticienne, je n’aime pas. » Alors, parfois, elle se contente de répondre : « Allez voir mon compte Instagram ! » A 34 ans, elle est déjà représentée par des galeries à Paris (Artima et Olivier Waltman), Bruxelles (Art22 Gallery), au Luxembourg (Mob-Art studio) et dans plusieurs foires à New York. L’un de ses faits d’armes : son dessin La Folle Parade, où se côtoient chevaux, oiseaux, chiens, lapins, papillons… la liste est longue. Il vient d’être édité par la maison Hermès, qui en a fait un foulard, un gavroche, un twilly et un bracelet. Mais Claire Fanjul a également réalisé des pochettes de disques, des cartographies, détourné des logos, illustré un conte pour enfants ou encore le guide du Fooding Brooklyn Fling de 2012. Elle adapte son univers à ceux des autres : ça marche et ça plait. Si bien qu’en 2019, Arte lui a consacrée un portrait dans l’émission Métropolis. Même pendant le confinement, elle a été repérée - sur Instagram - par l’ébéniste-artiste Kostia, qui lui a proposé une collaboration.

Bal « masqué », tabouret de Jean Prouvé et maison d’arrêt de Douai

Pour cette rentrée 2020, son carnet de bal « masqué » affiche déjà complet. Claire Fanjul sera représentée par le galeriste Olivier Waltman au salon Ddessin, du 18 au 20 septembre à l’Atelier Richelieu (60 rue de Richelieu, Paris 2e). Puis, une sélection de ses œuvres seront accrochées chez Artima (4 rue du Pas de la Mule, Paris 3e) d’ici à l’hiver, dans le cadre de l’expo Cosmos. Enfin, sollicitée par le peintre Gérard Garouste, elle vient de customiser un tabouret de Jean Prouvé, qui sera vendu aux enchères - avec une cinquantaine de créations d’autres artistes sur d’autres pièces de mobilier -  le 7 décembre, au profit de La Source. Cette association, à « vocation sociale et éducative », organise des ateliers pour sensibiliser les jeunes à l’art. Une façon de transmettre qui séduit Claire Fanjul. Car l’ex-prof reste sensible à l’idée de partager savoir et savoir-faire. La preuve : elle n’a pas hésité à initier au dessin des détenus de la maison d’arrêt de Douai, dans le cadre d’une opération menée par le Louvre-Lens.