Le rendez-vous est donné à la galerie parisienne Arts Factory. Près de Bastille. Direction l’étage et la table de cuisine autour de laquelle s’installent Florent Nesles et Charles Berberian. Ils sont là pour parler musique et dessin. À moins que ce ne soit l’inverse… dessin et musique. Normal : le premier – qui, ado, se voyait devenir auteur de BD -, écrit, compose et interprète. Quant au second, s’il est d’abord connu pour son don du trait et du bon mot, il sait aussi tenir une guitare, s’en servir et chanter. Amis, complices, sur une même longueur d’onde, Nesles et Berberian seront le 15 janvier 2024 à La Manufacture Chanson, entre République et le Père Lachaise, le temps d’une performance baptisée « Dessiner la musique ». Cette « proposition de Nesles », sous la houlette de l’écrivain et journaliste Vincent Brunner, débutera dès 18h30 avec le vernissage d’une expo de dessins de Berberian et Alfred – lui aussi auteur de BD et fan de musique -. Puis, à partir de 20h30, place à un concert « Crash Test » de Nesles - « artiste associé » et résident de La Manufacture Chanson -, accompagné du musicien Christian Quermalet, avec Berberian en « lever de rideau ». Ça sent la bande de copains. Et pour le public, c’est l’occasion de voir ces artistes à l’œuvre, dans un cadre intimiste, où la proximité d’un micro, d’une enceinte, d’un clavier… donne une autre idée du « live ». Ici, on est dans le juste, le brut, le dépouillé. Du « super » sans superflu.

« On n’a plus Bernard Lenoir ni Les Enfants du Rock »

C’est la pop qui les unit autour d’une table et les réunit sur une même scène. Une pop qui se réfère plus à Alain Bashung et Étienne Daho qu’aux passages chez Guy Lux de Christophe et Françoise Hardy… Pas pareil, pop et variété. Une pop aussi plus « roots », plus « indé », que celle de Clara Luciani ou Juliette Armanet. Et, donc, une pop pas si simple à faire connaître et reconnaitre aujourd’hui. « On n’a plus Bernard Lenoir ni Les Enfants du Rock », regrette Berberian, dont la découverte des Bashung, Higelin, Gainsbourg, Rita Mitsouko… est liée à son arrivée à Paris au milieu des années 1970. Ce natif de Bagdad se souvient de la programmation pointue de certaines radios, puis des clips à la télé. À cette époque, Nesles fouinait aussi jusque dans les bacs de chez New Rose, QG punk-rock du Quartier latin. Un autre temps. Aujourd’hui, talents et pépites peuvent sortir de l’ombre juste après un passage de 30 secondes sur TikTok… « Pourtant la scène pop française est riche, inventive, rattachée à une tradition qui relie les générations : JP Nataf, par exemple, peut jouer tout Brassens », reprend Berberian. Jean-Philippe Nataf, chanteur, guitariste et compositeur du groupe Les Innocents, fait partie de la troupe, comme les auteurs, compositeurs et interprètes Silvain Vanot, Frédéric Lo ou encore Albin de la Simone. Des piliers des Soirées Walden, série de concerts dans de petites salles parisiennes, instaurée par Nesles depuis les années 2010. Berberian parle de « générosité, disponibilité et entraide » entre ces artistes, dont le public, fidèle, peut bouffer de la route, enchaîner les kilomètres, pour venir les écouter à la Maison de la Poésie ou du côté de la Java, à Paris. Des salles souvent de moins de 100 places. Certains pratiquent même les concerts en appartement. Quant à Effi Mild et Laurent Zorzin, les fondateurs de la galerie Arts Factory, qui explorent la scène graphique depuis 1996, ils ont déjà accueilli Nesles en « showcase » et exposé Berberian. Les réseaux se coupent, se recoupent. Esprit de famille et « trip » en tribu sur un même territoire : celui du Grand Est parisien. À l’image du Grand Est de la France, investi par le label Dernière Bande du colmarien Rodolphe Burger, fondateur du groupe Kat Onoma.

Tout pour le mieux

À la Manufacture Chanson, Nesles est un peu comme chez lui. « J’ai les clés », dit-il. Un lieu dont il est « hyper résident » depuis 2022 et jusqu’en 2024. C’est ici qu’il compose, chante, se produit, accueille des invités sur scène, anime des ateliers d’écriture. Il évoque le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac Ile-de-France), du Centre national de la musique (CNM) ou encore de l’Adami, organisme de gestion des droits d’artistes interprètes : « Cela permet à ceux qui se produisent, ici, d’être rémunérés. » Ce qui n’est pas le cas dans toutes les petites salles franciliennes et d’ailleurs. « Lorsque j’apprends qu’une personne arrête la musique parce qu’il n’en vit pas ou plus, j’en suis malade », confie Nesles. Nesles, le persévérant, le résistant, le convaincu, le convaincant : le 15 janvier 2024, ce sera le 3e volet de sa série « Crash Test » à la Manufacture Chanson. Avec des extraits de deux nouveaux albums en préparation. Puis il remettra le couvert, pour un 4e volet, en avril prochain, avec Silvain Vanot. Une aventure au long cours. Une course de fond. Un parti pris que résume bien le titre de l’album de Berberian, sorti en 2019 : Tout pour le mieux.

 

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Pour réserver sa place au « Crash Test » du 15 janvier 2024 à la Manufacture Chanson, à Paris, c’est ICI