D’autres seraient restés « au chaud », salariés, planqués. Véronique Vasseur, elle, a tout plaqué. Directrice de la communication « Europe » du couturier japonais Issey Miyake durant vingt ans, il a suffi d’une envie de changer d’horizon, d’un Covid et de la cinquantaine en vue pour qu’elle quitte la mode et la com’. Elle vient d’ouvrir une boutique dédiée à la table, ses arts et ses artisans, dans le quartier de la plaine Monceau, à Paris. Une boutique de déco en plus ? Oui. Mais là, c’est avec un œil éduqué à la sobriété japonaise, à la maîtrise de la couleur, à la main qui guide le bon geste, au choix des matières. Véronique Vasseur travaillait en direct avec Issey Miyake. Elle était à ses côtés au quotidien et ça laisse forcément des traces.Un CAP de cuisine « à distance »…

Parisienne, pas très manuelle, mais curieuse de tout, Véronique Vasseur a su très tôt qu’elle voulait travailler dans la mode. Pour y entrer, elle a choisi la communication, après des études de langues – anglais et russe - à la Sorbonne et une école de com’. Ses premières expériences, elle les a faites chez Chantal Thomass, Jean-Charles de Castelbajac, Christian Dior, Jean-Louis Scherrer… La rencontre avec Issey Miyake a eu lieu en 2000. Le courant est passé entre eux. Ils se sont dit « oui ». La complicité a pris fin en 2020. « Je suis partie car j’avais l’impression d’avoir fait le tour de mon métier. J’avais formé toute l’équipe de communication, la profession avait beaucoup changé, je ne m’y retrouvais plus. Je me suis dit : si je dois bouger et faire autre chose, c’est maintenant », confie Véronique Vasseur. En pleine crise sanitaire, elle débloque son compte formation, « sans vraiment savoir ce que je voulais faire ». Son choix se porte en premier lieu sur un CAP de cuisine, « à distance », qu’elle décroche en un an. Mais elle ne veut pas ouvrir de restaurant. « J’avais envie de créer une structure en lien avec l’univers de la table, mais plutôt pour mettre en avant des artisans. » Elle se forme à l’entreprenariat et au e-commerce, puis bâtit le business plan d’une boutique de déco ciblée sur les arts de la table, avec un espace pour de l’épicerie fine. Le lieu : « J’hésitais entre le Marais et les Batignolles. » Finalement, ce sera du côté du parc Monceau, dans une ancienne boutique de chocolat, un peu vieillotte, où elle a tout transformé, épuré, réchauffé avec un mur orange, incarné avec une grande table dressée, décoré avec les rideaux sur mesure de Frédéric Martin-Bernard, lui aussi reconverti : il a couvert la mode pour Le Figaro durant une vingtaine d’années, avant de créer Window. Leurs routes se sont croisées dans le passé, pour mieux se retrouver aujourd’hui.

Une scéno raffinée sans tomber dans le chichiteux

Table & Création a ouvert ses portes le 14 février dernier. « Le jour de la Saint Valentin », s’amuse à souligner Véronique Vasseur. Pour sélectionner les artisans dont elle expose les réalisations, elle fouine, se balade, prend l’avis d’une amie céramiste, arpente les salons liés aux métiers d’art, fait confiance au bouche-à-oreille comme à ses découvertes sur les réseaux sociaux. Le résultat : la boutique fait la part belle à la céramique, au verre, au bois, au textile. Assiettes, coupes, coupelles, vases, porte-couteaux, sets de table, nappes, serviettes… se côtoient dans une scénographie ordonnée sans être glaciale, raffinée sans tomber dans le chichiteux. « Je veille à privilégier le made in France, car la clientèle y est sensible. Toutefois, je ne m’interdis pas quelques pays voisins, comme l’Italie. Et pour les couverts, que je suis en train de chercher, car je veux investir l’univers du métal, j’ai trouvé des créations très intéressantes chez un Finlandais… » Puis, Véronique Vasseur commente le contenu de différentes étagères : « Ces carafes en porcelaine de Limoges viennent de la Maison Manoï, qui m’a approchée sur Instagram… La créatrice de ce linge de table habite le quartier… Les gobelets colorés sont créés à la demande par Pierrot, un souffleur de verre installé dans le Lot… » Derrière chaque objet, on trouve une rencontre, une histoire, un savoir-faire. Même scénario côté épicerie fine, « où tout est français et issus de petits producteurs de qualité, sauf l’huile d’olives qui vient d’une entreprise familiale basée en Calabre ». Les gourmands vont aimer les confitures de l’arrière-pays niçois, les produits finistériens de Mademoiselle Breizh, le miel, les infusions, les sirops…

« La mode ne me manque pas »

Véronique Vasseur commence à avoir ses habitués. Mais pas question pour autant de se reposer sur ses lauriers. Bosseuse, tête chercheuse, elle mène sans cesse sa quête de nouveautés. Elle veut également développer des ateliers et animations avec des artisans invités, le temps de démonstrations et autres dégustations. Elle aimerait aussi approcher hôteliers et gérants de maisons d’hôtes pour leur présenter son univers. « Non, la mode ne me manque pas. J’ai adoré la dynamique des fashion weeks, mais, aujourd’hui, j’ai tourné la page », confie celle qui vit au vert, « en bordure de forêt de Montmorency ». De sa vie d’avant, elle garde une pléiade de bons souvenirs et ces mots que répétait Issey Miyake : « Making things… »

Table & Création : 36 bis rue Jouffroy d'Abbans, Paris 17e. Et aussi ICI