© Maison Février

Il rêvait de devenir danseur. Il a d’ailleurs tout fait pour. « De l’âge de huit ans jusqu’à l’adolescence, je prenais sept heures de cours de danse par semaine », confie l’amiénois Maxime Leroy. Mais son corps n’a pas suivi. Il a dû arrêter la barre, renoncer aux chaussons. « J’avais un plan B », dit-il. À savoir : « Les plumes. Une matière qui parle, une matière qui me parle. » Devenu plumassier à l’orée des années 2010, le Musée des Arts précieux Paul-Dupuy à Toulouse lui consacre une rétrospective du 24 mai jusqu’au 12 novembre 2023. À 33 ans, Maxime Leroy voit ici l’occasion de mettre les projecteurs sur un métier méconnu et un savoir-faire d’artisan d’art à transmettre, pour éviter qu’il ne se perde.

« Une dynamique tactile et visuelle »

Dès l’école primaire, Maxime Leroy développe un esprit vif, créatif. Les arts plastiques l’inspirent et lui permettent de tester différents matériaux. Mais c’est avec les plumes qu’il se sent le plus à l’aise. Des plumes qu’il ramasse, touche, manie, manipule. Des plumes auxquelles il associe « une dynamique tactile et visuelle ». Son bac littéraire - option cinéma - en poche, il intègre une « mise à niveau » en arts appliqués. Mais l’art de la plumasserie, « ça s’apprend », comme il dit. Alors il cherche le bon cursus dans une brochure de l’Onisep. Un seul établissement propose le CAP approprié : c’est le lycée professionnel Octave Feuillet, à Paris. « Je suis allé aux journées portes ouvertes et j’ai patienté trois heures pour être certain d’avoir mon nom inscrit dans le CAP plumasserie. » Une formation qu’il effectue en un an au lieu de deux et dont il sort, en 2010, parmi les meilleurs de sa promo. « Mes parents faisaient une drôle de tête. » Ils s’interrogeaient, en effet, sur les débouchés d’un tel diplôme. Ils vont vite obtenir une réponse : à peine sorti du lycée « pro », Maxime Leroy est approché par les plus grandes maisons de haute couture de la capitale. En 2017, les Ateliers d’Art de France lui décernent également le « Prix de la jeune création - métier d’art ».

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« Avec les mains, la tête et l’envie, on peut y arriver »

Maxime Leroy se dit sensible au respect de l’autre, au dialogue, au travail d’équipe. Il aime échanger, partager : « C’est primordial pour avancer et progresser. » D’où son appétence à transmettre, à son tour, au lycée Octave Feuillet dès ses 22 ans et ce durant sept années. « Je disais aux élèves, même aux moins doués, qu’avec les mains, la tête et l’envie, on peut y arriver. » Fondateur de l’Atelier de plumasserie M.Marceau, Maxime Leroy fait ses armes en multipliant les collaborations pour la mode, la photo, le cinéma, le design. À cela s’ajoutent des réalisations d’une grande technicité pour les maisons Christian Dior, Hermès, Jean Paul Gaultier ou encore Valentino. Par ailleurs, lorsqu’il croise la route de Paul Baret, durant son BTS « industrie des matériaux souples », Maxime Leroy est fasciné par sa technicité, en particulier dans la création de souliers. C’est le début d’une grande complicité. D’abord avec la marque Sacco Baret, que le duo co-fonde avec le designer Jayma Sacco. Ensemble, ils développent alors une ligne de souliers et accessoires qui mêlent plume, cuir et métal. Puis, en 2019, Maxime Leroy et Paul Baret reprennent la tête de la Maison Février, experte en plumasserie depuis 1929 et installée dans les locaux parisiens du Moulin Rouge, auquel elle appartient. Entreprise du patrimoine vivant (EPV), Maison Février compte parmi ses clients le Moulin Rouge, bien sûr, dont elle entretient et restaure les 300 costumes ennoblis de plumes utilisés chaque soir sur scène, mais aussi le gratin de la haute couture française. « Nous avons rouvert cette belle endormie, en lui apportant un nouveau souffle et notre énergie », explique Maxime Leroy.

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Deux photographes en résidence

La rétrospective Haute voltige, orchestrée au Musée des Arts précieux de Toulouse, invite à une immersion au plus près des créations de Maxime Leroy. Le plumassier présente ici une trentaine de pièces, dont plusieurs réalisées pour cette exposition. À ne pas manquer : les éléments de décors imaginés pour les vitrines de la maison Hermès, le travail de chapellerie pour Christian Dior ou encore les souliers griffés Sacco Baret. Autres curiosités : les œuvres Vibrisses du duo d’artistes Scenocosme et Nid – à base de chutes de plumes d’autruches du Moulin Rouge - de Francis Beninca, présentées en dialogue avec les créations de Maxime Leroy. Enfin, en marge de l’exposition, une résidence artistique sur le thème de la plume a été confiée aux photographes Rip Hopkins et Julien Magre, en collaboration avec la galerie Le Réverbère à Lyon. À terme, ce travail donnera lieu à deux livres à paraître aux éditions Filigranes. La rétrospective toulousaine voit grand, voit large, explore toutes les possibilités autour des plumes et plumages. Un écrin d’exception auquel Maxime Leroy ne s’attendait pas. Ou plutôt n’attendait plus… car cette rétrospective avait été décidée en 2019, puis reportée une première fois pour cause de Covid et une seconde fois suite à une vague de travaux au sein du musée. Le plumassier parle d’une expo d’une « grande maturité », car pensée et préparée sur un temps long. À l’instar de ses parures en plumes d’autruches, perroquets, faisans, paons… Des plumes de mue d’oiseaux, qui nécessitent parfois jusqu’à trois ans d’attente avant de pouvoir les récupérer.

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Haute voltige / Œuvres en plumes de Maxime Leroy : du 24 mai au 12 novembre 2023 au Musée des Arts précieux Paul-Dupuy, 13 rue de la Pleau, à Toulouse. Tél : 05 31 22 95 40. Et aussi ICI

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