Prendre du recul sur l’actualité. Poser un autre regard sur les crises, les guerres, les catastrophes naturelles… L’exposition intitulée Un monde à guérir invite à cet exercice, du 27 octobre 2023 au 7 janvier 2024, au Lieu Unique à Nantes. Une sélection de 600 photos, réalisées de 1850 à nos jours et issues des collections de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, donne des clés de lecture de l’image humanitaire. Une image faite pour mobiliser, montrer, témoigner, réévaluer, diffuser. Autant de verbes qui hiérarchisent les photos accrochées et rythment le parcours de l’expo.

Anonyme, Convoi d’ambulances, Pas-de-Calais, France, 1917 © IWM. Courtesy MICR

Une grammaire visuelle de l’action humanitaire

Le visiteur est convié à regarder ces images émouvantes, troublantes, saisissantes, dans une perspective critique. D’où viennent-elles ? Que racontent-elles ? Mais aussi que nous cachent-elles ? Car, à ces photos, il faut ajouter une grammaire visuelle de l’action humanitaire. Tel un décodeur qui aide à décrypter chaque image et ainsi éclairer notre regard. Car aucun terrain immortalisé ne se ressemble. Aucune situation n’est identique. Certes, on sait où est l’autre, mais comment se situer par rapport à lui ? L’expo questionne et résonne avec le flux d’images que nos écrans déversent chaque jour.

Alan Meier, Manifestation de femmes membres de la famille de détenus, Gaza, 2005 © CICR

De Werner Bischof à Alexis Cordesse…

Autre niveau de lecture de ce « monde à guérir » : les photographes. Au XIXe siècle, ils viennent de studios. Puis, peu à peu, des collaborateurs de la Croix Rouge leur succèdent. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle, que des photographes professionnels investissent le terrain avec des commandes spécifiques. À l’instar du Suisse Werner Bischof, l’un des premiers photographes de l’agence Magnum, et de l’Américaine Susan Meiselas, également chez Magnum, qui s’est fait connaître par ses images sur les zones de conflit en Amérique centrale dans les années 1970 et 1980. À ne pas manquer non plus : les travaux du photographe français Alexis Cordesse, consacrés aux populations de migrants.

Boris Heger, Site de distribution de nourriture, Abata, Soudan, 2006 © CICR

Deux années de recherche

Il aura fallu de l’endurance et de la persévérance pour mener à bien cette rétrospective, coproduite avec les Rencontres de la photographie d’Arles. Et pour cause : celle-ci a nécessité deux années de recherche dans un fonds d’images qui en contient un million… Un patrimoine photographique conservé à Genève, capitale mondiale de l’action humanitaire. « Seulement 25 ans séparent l’invention de la photographie en 1839 et la création du CICR en 1863. Leur destin respectif est intimement lié. Et aujourd’hui plus que jamais, il est difficile de concevoir l’humanitaire sans image », explique Nathalie Herschdorfer, historienne de la photographie et co-commissaire de l’exposition avec Pascal Hufschmid, directeur général du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à Genève. Ensemble, ils proposent une approche singulière sur la mission utilitaire de ces photos qui font la Une des médias comme des réseaux. Et ce d’autant que dans le domaine humanitaire, souligne Pascal Hufschmid, « une image ne vaut jamais mille mots ».

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Exposition Un monde à guérir, du 27 octobre 2023 au 7 janvier 2024, au Lieu Unique : entrée Quai Ferdinand Favre, 44000 Nantes. Tél : 02 40 12 14 34. Et aussi ICI

J. M. Gourstikker, Arrivée de boat people, Malaisie, 1979, FICR