Les chiffres ont de quoi donner le vertige : 11 600 m2 de superficie, 700 m2 dédiés à la fabrication, 60 salles de cours… le nouveau bâtiment de l’École de design Nantes Atlantique vient d’accueillir ses premiers étudiants : pas moins de 1 750 jeunes, du niveau bac (inscription via Parcoursup) à bac + 5, dont 12 % d’internationaux et 18% de boursiers. « Chaque jour, un millier d’étudiants, enseignants, intervenants extérieurs et visiteurs poussent la porte de l’école. » C’est Joséphine Baros qui le dit. Jeune diplômée en design automobile, elle a décroché son premier job au sein même de l’établissement où elle a été formée. Sa mission : accompagner le déménagement de l’école de design nantaise aussi bien auprès du public interne que des visiteurs. Elle a donc fait ses classes sur les anciens sites, disséminés dans la ville, dont certains dans le quartier excentré de la Chantrerie. « Rien à voir avec aujourd’hui », confie-t-elle. En termes d’espaces, bien sûr, mais aussi d’accessibilité. Ici, dans la partie ouest de l’île de Nantes, dit « Quartier de la création » - où se trouvent désormais aussi l’école d’architecture et celle des Beaux-Arts -, on vient à pied, à vélo, en bus et, surtout, on peut facilement rejoindre musées, cafés, boutiques du cœur de Nantes. À cela s’ajoutent matériauthèque, maquettothèque, « learning lab » où étudiants et enseignants se connectent avec leurs homologues de pays lointains pour échanger, expérimenter, mener des recherches… « Nous disposons aussi d'un CFA - centre de formation d'apprentis -, créé en 2006, où l'on forme, par exemple, des ébénistes au design », explique Stéphane Gouret, directeur général adjoint de l'école nantaise. Le mieux pensé, sur ce nouveau site ? Les 8 ateliers du rez-de-chaussée, bordés d’immenses baies vitrées ouvertes sur la vie de la ville : pour ne pas perdre de vue le quotidien, les passants, leur allure, le temps qu’il fait, le temps qui passe… Le plus bluffant ? L’agora. Un plateau XXL, central, modulable, accessible dès l’entrée de l’école et pourvu de 18 mètres de hauteur sous un plafond vitré. Lieu de passages, rencontres, rendez-vous, il change de vocation au fil des heures. Le matin, c’est plutôt pause-café, puis coworking, cantine, échanges, re-pause-café, jusqu’à certaines performances artistiques avant que l’école ne ferme ses portes le soir.

« C’est le lieu de la spontanéité et de l’informel »

« L’agora positionnée au cœur du projet est tout à la fois un outil pédagogique, une vitrine, un lieu d’ouverture au public, un lieu de production, un lieu de circulation… C’est le lieu de la spontanéité et de l’informel », explique l’architecte Marc Mimram. C’est à lui que l’on doit le nouveau QG de l’École de design Nantes Atlantique, où la lumière naturelle tient le rôle principal. Quant au designer Patrick Jouin, né à Nantes, il a conçu – avec l’agence Jouin Manku - une partie du mobilier de l’agora, dont la série de tables mobiles aux plateaux qui se relèvent pour devenir tableau, écran, écrin… Son message aux étudiants : « Le lieu même de votre formation constitue un élément de découverte, d’apprentissage. Ces éléments que vous côtoyez tous les jours s’intègrent à votre imaginaire, tout naturellement, vous faites l’acquisition de notions, de façons de concevoir, qui vont vous servir dans votre propre travail. »

« Un jeune doit bouger, voyager, pour enrichir sa culture avec celle des autres »

Tenace et pugnace, Christian Guellerin n’a rien lâché. Depuis l’orée des années 2010, le directeur de l’École de design Nantes Atlantique parle de déménagement de la Chantrerie et d’emménagement sur l’île de Nantes. Endurance et persévérance lui ont permis de convaincre une longue liste de partenaires, qui comprend aussi bien les acteurs économiques de la région que les élus locaux, ou encore l’aménageur urbain de l’île de Nantes. École fondée en 1988, Christian Guellerin en a pris la direction dix ans plus tard. « À l’époque, nous n’avions qu’une centaine d’étudiants », se souvient-il. Depuis, l’école nantaise est présente à Shanghai, Pune, Sao Paulo, Montréal, Cotonou et dès la rentrée 2023 également à Bruxelles. Elle compte, en outre, un réseau de quelque 120 écoles partenaires dans le monde. De quoi inciter les étudiants à aller voir et se faire voir ailleurs : « Un jeune doit bouger, voyager, pour enrichir sa culture avec celle des autres », souligne Christian Guellerin. Pour lui, « le design a changé de nature : on est passé d’une discipline de création à une discipline d’innovation. Et de l’école où l’on imaginait demain, on est passé à une école où l’on construit demain. » Il insiste sur l’importance de la professionnalisation des formations que propose l’établissement qu’il dirige. Et ce que ce soit par le biais de stages ou de partenariats avec des entreprises. « Je ne crois pas à la responsabilité sociétale des entreprises, poursuit-il, mais aux entreprises qui s’adaptent à une responsabilité sociétale du consommateur et du citoyen. »

Brigade verte et gobelet intelligent

Depuis 2019, la ville de Nantes s’est dotée d’une brigade verte. C’est quoi ça ? Des agents habilités à verbaliser lorsque les encombrants et les déchets ne sont pas jetés correctement… Si bien que les bâtiments qui accueillent du public veillent au grain, eux aussi. Ce qui explique la présence de poubelles de tri dans les lieux de passage les plus stratégiques de l’École de design Nantes Atlantique. École qui va même plus loin en proposant un gobelet réutilisable dans ses distributeurs de boissons. Avantage du dispositif : dès la deuxième utilisation du contenant, la machine le reconnaît et facture le café, le thé, le chocolat… quelques centimes de moins. Un détail pour certains. Un outil qui fait partie d’une logique pédagogique pour d’autres.

L’École de design Nantes Atlantique est aussi ICI.