Quelle bonne idée ! Du 6 octobre au 10 novembre 2023, la galerie parisienne Huberty & Breyne propose la première exposition consacrée à l'auteur de bandes dessinées Claire Bretécher, depuis sa disparition en 2020. Au programme : un ensemble inédit de 49 planches originales, des travaux de recherche, des croquis préparatoires, une rarissime étude à l’encre de Chine sur papier pour la couverture du premier volume des Frustrés et quelques autres gags en une image. Des morceaux de choix. Une sélection qui témoigne du trait vif et de l’œil critique de l'artiste sur la société. Rien ne lui échappait. Lâchetés, absurdités, crises d’égocentrisme… tout y passait. Avec justesse, audace et une liberté de ton qui en ferait rêver plus d’un aujourd’hui…

« Je lisais des BD, excepté Pif, parce que c’était coco ! »

En novembre 1997, j’avais eu l’occasion d’interviewer Bretécher, chez elle, à Paris. Elle venait de rééditer les deux albums du Docteur Ventouse, bobologue, en un seul. Je bossais alors dans la presse médicale. Son regard sur les blouses blanches m’intéressait. Il y avait une logique à nous rencontrer… Elle habitait au-dessus d’un garage, à deux pas du Moulin Rouge, dans un appartement avec terrasse XXL et atelier avec vue de dingue sur le Sacré Cœur. Un buste de Tintin trônait dans l’entrée et Bretécher avait posé deux tasses de café sur un plateau à l’effigie de Spirou. Quant au dessin qui ornait le mur de son bureau, il était signé Tardi. Puis, elle m’avait raconté : « Toute petite déjà, j’adorais dessiner. Je lisais des BD. Excepté Pif, parce que c’était coco ! (…) Au départ, Ici Paris, Le Pèlerin, puis Spirou me demandaient des illustrations et des histoires. Mais c’est en arrivant à Pilote que j’ai adopté un ton plus revanchard. »

« J’étais sans cesse en train de zapper, alors j’ai tout arrêté… »

Puis, ce sera la création de L’Écho des savanes, avec Gotlib et Mandryka en 1972. C’est d’ailleurs dans cette mouvance que sont nés des personnages comme Cellulite, les Frustrés, Monique et Agrippine. En 1997, lorsque nous nous étions vues, Bretécher avait sa page hebdo et carte blanche dans Le Nouvel Obs. À l’époque, cette fan de Goscinny, mère de deux enfants, disait « courir les cinémas, s’intéresser aux livres qui sortent, se plonger dans Libé et dévorer les potins de Gala ». La télévision ? Elle ne la regardait plus depuis qu’elle avait « le câble » : « J’étais sans cesse en train de zapper, alors j’ai tout arrêté. Si je vivais seule, je n’aurais plus de télé... » Des propos qui n’ont rien perdu de leur pertinence. À l’instar des dessins accrochés chez Huberty & Breyne. Bretécher, l’intemporelle. Redécouvrir son œuvre en 2023, c’est aussi mettre celle-ci en perspective du mouvement #metoo ou du règne du selfie et réaliser à quel point elle reste contemporaine. Libre comme Claire...

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Claire Bretécher, Les Frustrés – Du 6 octobre au 10 novembre 2023 à la galerie Huberty & Breyne : 36 avenue Matignon, Paris 8e.