Paraît qu’il faut partir se balader en France. Pour le moment pas à plus de cent bornes de chez soi. Mais plus pour longtemps. On sent que ça frémit. Les bords de mer sont déjà envahis par des fugueurs avec ou sans leur drap de bain, avec ou sans une adresse à moins de cent kilomètres. La vie de déconfinés, c’est « chacun fait fait fait c’qui lui plaît plaît plaît… ». Séances « bronzing » aussi à Paris. Les quais sont pris d’assaut. Normal : faut se la jouer « local ». Du côté du canal, quelques audacieux manipulent même la canne à pêche.

Bal masqué, comptes Insta’ et « trip slow life »

Bouquins de voyage, guides touristiques et best-sellers de Pierre Bonte ont la cote. On les ressort. On les essore pour trouver l’idée où aller camper, nager, picoler, rigoler. On re-prononce des noms de contrées oubliées : l’Allier, la Creuse, les bords du Cher… Il aura fallu un virus, un confinement, un bal masqué et du gel « hydro-alcoolo » pour que certains arrivent à situer Montluçon ou Saint-Amand-Montrond sur une carte de France. La presse, des sites Web, des comptes Insta’ recommandent tout à coup l’Auvergne, l’Ardèche, l’Ariège, petites villes, gros villages : des destinations idéales pour une cure de « slow life », saupoudrée de « bienveillance ». Et en marge de tout ça ? On trouve ceux qui flippent parce qu’ils vont fermer leur PME, ceux qui découvrent les joies de Pôle Emploi, ceux qui ont le moral dans les chaussettes à l’idée de mettre un pied dans cet « après »…

Petit job, papa-maman et « mélancovid »

Récemment, j’ai demandé à une vingtaine d’étudiants en licence à Paris X – oui, c’est Nanterre – de jeter sur le papier, en 45 minutes chrono, sans préparation aucune, ce que le confinement leur avait inspiré. Le résultat ? La majorité d’entre eux auraient dû décrocher un CDI d’ici à septembre. Au lieu de ça, certains vont partir faire les vendanges, d’autres enchaîner des petits jobs d'été et tous vivent de nouveau chez papa-maman. Dans une copie, j’ai relevé le mot « mélancovid ». Dans une autre, une étudiante a cité sa grand-mère : « Vous mangerez votre pain blanc avant votre pain noir… » Si c’est pas du local et de la proximité, tout ça ! En tout cas, va falloir leur redonner un peu d’espoir à ces gamins. Pas sûr que ce soit en allant voter fin juin, en les gavant de séries télé ou en leur donnant 50 balles pour faire réparer leur vélo. Pas sûr non plus que ce soit en fermant Boulinier à Paris et trois Gibert Joseph au-delà du périph’.