Il s’appelle Haïm Lipnitzki. Né en 1887 près d’Odessa, en Ukraine, il découvre la photographie dès son plus jeune âge. Il veut en faire son métier. Face aux pogroms et aux révolutions, sa famille vient s’installer à Paris, dans les années 1920. Changement de vie, de ville et de prénom : Haïm devient Boris Lipnitzki et amorce sa carrière de photographe. Hasard des rencontres, orchestrées par une aristocratie en exil, et coup de chance du débutant : le couturier Paul Poiret lui confie ses collections à immortaliser. Ce qui propulse illico Lipnitzki dans le gratin des mondains parisiens. Il multiplie les portraits, travaille pour la presse et ouvre son propre studio en 1922, au 109 rue du Faubourg-Saint-Honoré.

Cristobal Balenciaga, (1895-1972). Paris, 1927 - © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet

De Deauville à Monaco…

Le succès est immédiat. Lipnitzki « shoote » des modèles de Schiaparelli, Balenciaga, Chanel… Parce qu’il parle russe, il tire le portrait de Stravinski, Prokofiev, Kandinsky, Chagall… Il couvre également les fêtes de Poiret comme les soirées les plus en vue de Deauville jusqu’à Monaco. Son studio attire aussi bien Édith Piaf que Joséphine Baker, Yves Montant, Buster Keaton, Louis Jouvet, Léonor Fini, Foujita, Pablo Picasso, André Breton, Colette, James Joyce, Jean-Paul Sartre, Boris Vian… la liste est longue. C’est la gloire. Si bien que Lipnitzki quitte le Faubourg-Saint-Honoré en 1936, pour lui préférer l’orée des Champs Élysées et le 40 rue du Colisée. Les stars ne jurent que par lui. Le monde de la mode aussi.

Fantaisies et extravagances

Ce sont les travaux photo de Lipnitzki, durant ces années 1930, que la Galerie Roger-Viollet expose jusqu’au 24 février 2024, à Paris. Un accrochage de 76 tirages, intitulé « Boris Lipnitzki, photographe russe chroniqueur du Paris des années trente ». Le témoignage unique d’une bouffée de fantaisies et autres extravagances, en marge de la Grande Dépression et de la montée des extrémismes. Quant à l’agence Roger-Viollet, elle a fait l’acquisition des photos de Boris Lipnitzki et du studio Lipnitzki en 1970. Ce qui représente, au total, plus d’un million de négatifs.

Exposition « Boris Lipnitzki, photographe russe chroniqueur du Paris des années trente », jusqu’au 24 février 2024 à la Galerie Roger-Viollet : 6 rue de Seine, Paris 6e - Du mardi au samedi, de 11h à 19h -

Femme au volant d'une Chrysler au Champ-de-Mars. Paris, juillet 1938 - © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet