Paris a changé. À moins que ce ne soient les Parisiens. Ou les deux à la fois… Résultat : on ne compte plus les panneaux « à vendre » sur les façades d’immeubles. Lorsqu’un disparaît, un autre le remplace quelques mètres plus loin. Certains en ont marre et les familles se barrent : pour la seule année scolaire 2020-2021, la capitale a perdu 6 000 écoliers. L’exode n’est pas nouveau. Il a débuté à l’orée des années 2010 et la crise sanitaire n’a fait que l’amplifier : sur les sept dernières années, Paris a ainsi perdu quelque 100 000 habitants. Selon les statistiques, seul un Parisien sur deux aurait encore envie de vivre dans la capitale. À qui la faute ? Au prix de l’immobilier, à l’enfer des transports en commun, aux embouteillages à toute heure, à l’insécurité, sans oublier le prix du café que l’on ne peut même plus prendre au comptoir… Covid + télétravail + ambiance « sauve qui peut » = ruée vers un ailleurs que l’on espère meilleur. Sauf que, depuis dix-huit mois, le tarif du mètre carré s’envole et s’affole aussi dans les villes avec TGV, lignes de tramway et « hyper-centre » piétonnier, malheureusement trop souvent calqué sur les allées du « mall XXL » la Vallée Village. Ainsi, un appartement angevin, dans un mauvais quartier, sans attrait particulier, sauf celui d’avoir une micro-terrasse avec vue sur un mur, se vend en une semaine au prix fort. À Nantes, durant un confinement et la fermeture des bars et restaurants, un agent immobilier vantait « le calme et les beaux volumes » d’un 4 pièces, à plus de 5 000 euros le mètre carré, situé au milieu d’une étroite « rue de la soif ».

Pressé, il se fait pressant

« Certains achètent un appartement ou une maison sans même venir visiter », confie un pro du bâti qui couvre une zone allant du Loir-et-Cher jusqu’à la Loire-Atlantique. Alors, comme il case tout, il ne se casse pas. Pressé, il se fait pressant, avec visites au pas de course, papiers pré-remplis et des stylos plein les poches en vue d’une vente imminente. Même un appartement décoré par une fan de Barbara Cartland, avec porte d’entrée capitonnée rose poudré, cet agent immobilier est sûr de « faire affaire dans la journée ». Flippant. Déroutant. « Le marché est tendu », dit-on. C’est vrai : peu de biens en circulation pour beaucoup de demandeurs. D’où les excès. À La Baule, on affiche un « souplex atypique », à deux pas du passage du TGV Paris-Le Croisic, au prix d’un étage élevé avec vue sur mer. À Orléans, un 100 m2 voisin de la gare, avec un paquet de travaux à prévoir - tous soumis aux Bâtiments de France - et un salon qui s’illumine grâce aux néons du fast-food d’en face, oscille autour des 500 000 euros. Un dernier pour la route : à Morlaix, par manque de biens sur le marché, des appartements sont à acquérir même dans un immeuble infesté de mérule. Les farces se font attrapes…

La PQR : le meilleur moyen de prendre le pouls d’une ville

J’ai tourné un an à travers la France. Pour voir. Pour savoir si l’herbe était plus verte ailleurs. Du Croisic à Orléans, en passant par La Baule, Nantes, un bout du Finistère, Nevers ou encore Vichy - alors fraîchement inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco -, j’ai traîné, marché, flingué une paire de Converse. J’ai refait le monde avec un tas de gens et agents immobiliers. Des hommes. Des femmes. Des vieux. Des jeunes. J’ai sympathisé avec certains, le temps d’un café-Gavotte sur un banc avec l’une ou d’un diabolo-menthe en terrasse avec un autre… J’ai aussi beaucoup lu la presse quotidienne régionale : Ouest France, Le Courrier de l’Ouest, Le Télégramme, La Montagne, La Nouvelle République… La PQR, c’est le meilleur moyen de prendre le pouls d’une ville. Du trafic de dope en plein centre de Saint-Nazaire aux bagnoles qui crament en banlieue d’Angers, en passant par les exploits des équipes de foot ou de basket, l’arrivée de nouvelles enseignes qui vont faire bouger un quartier ou les chantiers en cours, la lecture des journaux locaux permet de s’informer et d’argumenter face au baratin de certains guignolos de l’immobilier.

Le ciné Les Lobis, où j’ai bouffé du Disney et vu tous les « de Funès »...

Au début de l’automne dernier, j’ai fait escale à Blois. En me baladant dans les rues, j’ai croisé Jack Lang – l’ancien maire -, mais surtout deux ados équipés de cannes à pêche, paniers et épuisettes. Ils revenaient des bords de Loire, avec du poisson pour le soir. J’ai aimé l’image de cette ville sans port, mais peuplée de jeunes pêcheurs qui longent la roseraie des terrasses de l’évêché pour rentrer chez eux. J’ai aimé aussi retrouver l’immeuble intact où vivaient autrefois mes grands-parents, la librairie-papeterie Labbé  et le ciné Les Lobis, où j’ai bouffé du Disney et vu quasiment tous les « de Funès ». C’est donc à Blois, entre château et cathédrale, qu’1 Epok a désormais son second QG. En plus de la rive gauche parisienne, la rédac’ s’installe sur la rive droite de la Loire. Histoire de raconter aussi ce qu’il se passe à 90 minutes de TER d’Austerlitz. Où Tours devient une grande banlieue, car à une demi-heure de route. Beaugency et sa plage se font terrains de jeu. Chambord et Cheverny donnent des leçons d’architecture. Chaumont-sur-Loire et Amboise ont des airs de cour de re-création… Autant de joyeuses perspectives et nouveaux horizons pour 2022.