Chaque été, Vichy fait son festival. La ville accueille une dizaine de photographes autour du thème du portrait. D’ailleurs l’événement s’intitule  Portrait(s). Cette année, c’est la 9e édition : celle-ci a débuté le 11 juin et dure jusqu’au 19 septembre 2021. Signe particulier de ces expos de photos : elles investissent des lieux emblématiques de la ville d’eaux, désormais inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Du parvis de l’église Saint-Louis à celui de la gare, en passant par l’esplanade du lac d’Allier, le hall des sources ou encore les galeries du centre culturel, le parcours permet de découvrir une pléiade de talents, mais également des rues, passages, parc, chalets Napoléon III, bâtiments Art nouveau, Belle Époque et Art déco, casino, restos, bistrots, base nautique et plages de Vichy. Vichy la méconnue, l’animée, la balnéaire, la sportive aussi.

Eliott, nageur (Association de sauvetage nautique de Vichy) - Parc des Bourins - Série Endorphine - © Frédéric Stucin, 2020

Du nageur au skateur

De sport, il en est question avec le photographe Frédéric Stucin. Lors d’une résidence à Vichy, il s’est intéressé aux athlètes de la ville, réputée pour ses équipements et organisation de stages de haut niveau pour les pros de natation, foot, golf, haltérophilie… Frédéric Stucin a alors embarqué quelques figures sportives locales – du nageur au skateur - dans une série d’images réalisée dans différents quartiers vichyssois et inspirée par le polar. Son travail, baptisé « Endorphine », fait l’objet d’un catalogue (aux éditions Filigranes) dont les textes sont d'ailleurs signés par l’auteur de séries noires, Didier Daeninckx. « Dans le cadre de cette résidence, on donne un thème, ici c’était le sport, et le photographe a ensuite carte blanche », détaille Karim Boulhaya, directeur adjoint de Vichy Culture et co-commissaire de Portrait(s). Du blanc que Stucin a revu en noir.

La jeunesse asiatique face au « neveu Jeanne »

La première apparition de Jean-Pierre en femme sur les bords de Marne à Champigny en 1988 - Série Mon neveu Jeanne - © Patrick Bard / Signatures

Directrice artistique du festival, Fany Dupêchez conçoit la programmation avec Pascal Michaut, directeur de projet, et Karim Boulhaya. « Nous croisons nos liens, nos contacts, nos carnets d’adresses pour choisir les photographes et créer une harmonie entre eux »,  explique le directeur adjoint de Vichy Culture.  Pour ce cru 2021, le trio a réuni des univers différents, mais qui se répondent, correspondent. A l’instar des jeunes asiatiques prêtes à tout pour ressembler à leur idéal de beauté, shootées par Corinne Mariaud, qui font face à la métamorphose de Jean-Pierre en Jeanne, immortalisée au fil des années par Patrick Bard. Les deux séries d’images se regardent dans les galeries du centre culturel de Vichy, ancienne salle de resto d’un palace des années 1930. Bluffant. Touchant. Surtout quand on comprend que Jean-Pierre est le neveu de Patrick Bard et que ce dernier a commencé à le shooter dès 1983. Bard livre, ici, un album de famille, où archives et photos perso mêlent des gens et des genres. Une histoire à part, au titre singulier : « Mon neveu Jeanne ».

Sur le pont, 2000 - Série Isabelle Huppert - © Carole Bellaïche

Huppert vue par Bellaïche

Plus loin, sur les bords de l’Allier, les passants ont droit à Isabelle Huppert vue par Carole Bellaïche. Une amitié d’un quart de siècle lie l’actrice à la photographe. Et comme la première sait passer de la femme fatale à l’incognito de la rue de Rennes, on sent que la seconde prend plaisir à jouer avec Huppert, le caméléon. L’exercice entraîne le duo d’une station de métro parisienne jusqu’au Cambodge, en passant par des cafés, des studios photo… On les suit, on voyage avec elles, on est témoin de leur complicité et de leur liberté de ton, de jeu, d'esprit.

Cécilia - Marseille, 2017 - Série Gyptis & Protis - © Yohanne Lamoulère / Tendance Floue

« Caillera » ou pas…

Changement de décor avec Yohanne Lamoulère, qui a choisi Marseille comme toile de fond. Dans sa série « Faux bourgs », la photographe s’intéresse à celles et ceux qui font et sont les quartiers périphériques de la cité phocéenne. Ces « bourgs » qui n’en sont pas. Ces jeunes en quête de repères et dont l’identité est étroitement liée à leur territoire. « Caillera » ou pas, ils ont des choses à dire et à montrer. Enfin, pour la première fois, le festival a investi le hall des sources, construit en 1903, et confié une partie de ce vaisseau de verre et de fonte au duo Mazaccio & Drowilal. Elise Mazac et Robert Drowilal ont l’habitude de tourner, détourner, contourner, retourner l’ordre établi des images. De toutes sortes d’images. Dont certaines peuvent finir en collages… Bref, ils s’amusent, déstructurent, cassent, mixent et le résultat donne la série « Identikit », accrochée au milieu des sources Célestins, Lucas, Hôpital, Chomel et Grande Grille. Et ça décape ! Leur sens de la dérision a autant de bienfaits qu’une cure thermale en cas de coup de mou ! Vichy, la chaleureuse, la joyeuse, l’audacieuse. Une ville qui a choisi l’illustrateur Monsieur Z pour la promouvoir. Vichy, bien loin des clichés qu’on en a, avant les 3 heures d’Intercités depuis Paris-Bercy.

Le festival Portrait(s), c'est aussi ICI. Et Monsieur Z, par ICI.

Beatrix, 2019 - Série Identikit - © Mazaccio & Drowilal