Certaines gares TGV donnent l’impression d’arriver un peu au milieu de nulle part. Celle d’Aix-en-Provence fait partie de la liste. Heureusement, Pascal fait le pied de grue devant la sortie. Car il suffit de grimper dans son taxi pour s’immerger illico dans la Provence et la vie de province. On pense à celle de Chabrol dans À double tour, film justement tourné dans le coin, en 1959. Sauf que là, pas de meurtre, ni de Belmondo en décapotable, pas de Bernadette Lafont non plus à l’horizon, mais une belle demeure bourgeoise en ligne de mire, à l’image de celle qui servait de toile de fond au long métrage.

Un cyprès chauve, trois fois centenaire…

Pascal roule. « On en a pour une vingtaine de minutes... » Personne sur la route. Une fois au Puy-Sainte-Réparade, il faut suivre un chemin, longer des vignes, passer une grille, garer l’auto sur des gravillons immaculés. C’est ici que ça se passe : au Château de Fonscolombe. Cette bâtisse XVIIIe appartenait autrefois aux marquis de Saporta et de Fonscolombe. Une grande famille, dont certains membres ont papoté avec Rabelais, servi Henri de Navarre, correspondu avec Darwin. On raconte aussi que la reine mère d’Angleterre, Queen Mum, y a séjourné, puis planté un cèdre, à l’ombre duquel on vient désormais s’installer pour lire, écrire, réfléchir ou ne rien faire… Le parc du domaine s’étend sur une douzaine d’hectares. Il compte quelque 180 espèces d’arbres et de plantes différentes, dont un cyprès chauve, trois fois centenaire, sous lequel des tables sont dressées à l’heure du déjeuner. Car, depuis 2017, le château s’est transformé en hôtel, doté de deux restaurants.

Ne rien dénaturer

Dix-huit mois de travaux ont été nécessaires pour rénover et réhabiliter le château très classe et classé. Un papier peint chinois du XVIIIe et une tapisserie en cuir de Gênes ont été rénovés à même le mur. Au sol, les tomettes ont été nettoyées, soignées, bichonnées, une à une. Les lustres sont partis en pension, le temps d’un lifting complet, dans les Ateliers Mathieu à Gargas. L’idée : préserver ce précieux patrimoine. Ne rien dénaturer. Respecter l’âme du lieu. Une volonté de sa propriétaire, Hélène Martel-Massignac. Résultat : aujourd’hui, dormir dans l’une des 13 chambres de Fonscolombe, c’est fermer des volets intérieurs, se coucher dans un lit à baldaquin, oublier la clim’, avoir une clé de chambre à tourner dans une serrure et non une carte magnétique… Pour les récalcitrants à ces clins d’œil à une vie d’avant, 37 chambres plus contemporaines ont été créées dans l’ancienne grange du domaine. Un domaine avec piscine, pigeonnier, chapelle et salle de jeux dans l’ex-chambre d’une marquise.

Simplicité, partage et proximité

À table aussi, il se passe des choses. Né dans le Finistère, formé au lycée hôtelier de Dinard et dans les cuisines de la chef étoilée Anne-Sophie Pic, à Valence, Quentin Durand a du répondant. L’identité culinaire de son bistrot et de sa table gastronomique, d’une vingtaine de couverts, peut se résumer en trois mots : simplicité, partage et proximité. Parce que sa carte est lisible, fluide, sans manière. Et parce qu’il privilégie les circuits courts. Pour les herbes et les fleurs, il puise dans un jardin voisin de la piscine. Là, cinq sortes de menthe côtoient bourrache, ciboulette, estragon, thym, romarin, verveine, marjolaine, capucines, bégonias…  Pour les fruits et les légumes, il travaille avec Tristan Arlaud, « un maraîcher installé de l’autre côté de la route ». Le « deal » : « Il a créé un carré pour nous et nous avons accès à ses serres. On achète les graines et c’est tout. Il ne nous demande rien en échange, excepté deux fois par an de faire la cuisine pour les enfants, à la cantine de l’école de Saint-Canadet », explique Quentin Durand. Alors on ne s’étonne plus des haricots verts, tous de la même taille, ramassés le matin et servis le soir au « gastro ». Quant au poisson, il vient de Méditerranée, les volailles, de la Drôme, l’eau minérale, de la source de Meyreuil et les truffes, du parc de Fonscolombe. Enfin, que les Bretons de passage se rassurent, le chef natif de Pont-l’Abbé, n’oublie pas de proposer du beurre salé au petit déjeuner.

Poissons rouges, libellules et rainettes

Si la crise sanitaire a contraint le domaine à fermer pendant les périodes de confinement, « les projets ne manquent pas », confie Vincent Bergmann, le directeur de Fonscolombe. Le spa devrait s’agrandir. La clim’ va peu à peu arriver dans les chambres du château. Le chef cuisinier attend l’arrivée d’un sommelier. Quant aux 25 hectares de vignes du domaine, ils doivent permettre de développer une offre d’œnotourisme. En attendant, on vient à Fonscolombe pour l’espace, le silence perturbé par le seul chant des grillons, les pièces d’eau du parc fréquentées par les poissons rouges, libellules et autres rainettes. La nature à l’état pur et l’art de recevoir qui se fait art de vivre.

Le Château de Fonscolombe, c’est aussi ICI.

Pour le taxi du Puy-Sainte-Réparade, demander Pascal : 06 61 92 94 72