Trois nuits entières de musique, de food, de mixologie et autres performances artistiques. C’est ça Les Bains Festival, dont la cinquième édition vient d’avoir lieu du 9 au 11 mars dans le club parisien le plus en vue des années 1980. À l’époque, on disait Les Bains Douches. Aujourd’hui, c’est « Les Bains » tout court. Entre les deux, des hauts, des bas, des évolutions et une révolution en 2015, lorsque Jean-Pierre Marois transforme la bâtisse en hôtel avec spa, resto, bar, résidences d’artistes et toujours une activité de clubbing avec concerts et DJs. À cela s’ajoute la création d’une collection de parfums, baptisée les Bains Guerbois et liée à l’histoire comme à l’atmosphère du lieu. Marois ? C’est qui ça ? L’immeuble du 7 rue du Bourg l’Abbé, anciens bains Guerbois, appartenait à son père, prof de médecine. Autant dire que le fils du proprio y a trainé ses guêtres aux Bains, périodes avec et sans « Douches ». Celui qui a grandi face au jardin du Luxembourg – côté 5e arrondissement - se souvient des soirs où il fuguait, direction le quartier des Halles : « C’était tout droit depuis le boulevard Saint-Michel. Je n’avais même pas à changer de trottoir ! »

Drôle d’histoire d’eau

Le premier métier de Jean-Pierre Marois : producteur « indé » de films aux Etats-Unis, où il a longtemps vécu. Abel Ferrara et Jim Jarmusch font partie des réalisateurs avec lesquels il a bossé. Quant à l’hôtellerie, il y fait ses premières armes dès 2005, avec l’ouverture d’un 3 étoiles à Issy-les-Moulineaux, puis un second en 2009, l’Hôtel Gabriel, dans le 11e arrondissement. Là, bien avant les autres, il propose « le premier petit déjeuner 100% bio de Paris ». Plus tard, lorsqu’une enseigne de grande distribution lui propose un pont d’or pour racheter Les Bains, alors fermés et même murés, il refuse l’offre. Pas question de vendre de la bouffe et d’aligner des caddies à la place des Bains. L’indépendance à laquelle il tient tant le pousse à aller lui-même convaincre des banquiers qu’un 5 étoiles à Étienne Marcel, c’est jouable et viable. Pas simple. Les financiers hésitent. Mais quelques audacieux finissent par le suivre. Ils ont eu raison : depuis 2015, Les Bains cartonnent. VIP, artistes, hédonistes, curieux, voyageurs… tous viennent boire, manger, dormir, faire la fête, se faire masser ou encore prendre une douche sur la terrasse exposée plein Sud de leur suite. Drôle d’histoire d’eau, tel un clin d’œil aux thermes créés en 1885, sur ce même site, par les Guerbois père et fils.

Jean-Pierre Marois aime « défricher ce qui n’existe pas ».

Panser, repenser, restaurer, sans dénaturer

Avant-gardiste, Jean-Pierre Marois aime avoir un métro d’avance. Surprendre la concurrence. La distancer de préférence. En 2018, il a ainsi exporté un beach club, avec bar, resto, matelas, DJs et production d’une revue à Tulum, au Mexique. Un concept éphémère installé durant cinq mois. Nouveau succès. Ça lui donne des idées. Et s’il y avait des Bains « urbains » dans de grandes villes et des Bains « resorts » plus près de la nature ? Reste à trouver le bon endroit. Le Mexique ? Trop insécurisé. Mykonos, Ibiza, Saint-Tropez ? Déjà vu, déjà fait. Jean-Pierre Marois aime « défricher ce qui n’existe pas ». Il cherche un lieu inattendu où mixer esprit de fête, QG d’artistes et retraite planquée. Il fouine du côté d’Avignon, Arles… jusqu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer où l’hôtel Auberge Cavalière du Pont des Bannes est à reprendre. Ils sont plusieurs sur le coup, dont un patron de campings. Mais le projet du boss des Bains séduit. Il rafle donc la mise. Son idée : s’inspirer de l’expérience de Tulum pour panser, repenser, restaurer, renommer ladite « auberge ». Mais sans pour autant la dénaturer, ni la fermer durant les travaux. À la manœuvre : le duo d’architectes et designers Hauvette & Madani.  Le brief : « Corriger les affronts des rénovations réalisées au fil des années. Retrouver l’esprit des sixties. Privilégier le mobilier chiné. Transformer l’un des deux restaurants en spa de 1000 m2. Conserver les cabanes de gardians. » Car l’établissement compte une cinquantaine de ces cabanes typiquement camarguaises, « comme le site de Tulum était peuplé d’une centaine de huttes », se souvient Jean-Pierre Marois. Fin de chantier et ouverture prévues au printemps 2024.

Un luxe, « les pieds nus »…

« Ici, la star, ce sera la nature. » Et pour cause :  l’auberge cavalière se situe en zone naturelle protégée, avec étangs, canaux, centre équestre dont les 25 chevaux vivent en semi-liberté. Pas de route à emprunter pour rejoindre la plage la plus proche. Et quasiment aucun feu rouge entre LUMA, le centre culturel d’Arles imaginé par l’architecte Frank Gehry, et l’auberge. « Ici, c’est une petite Argentine, poursuit Jean Pierre Marois. D’où ce projet d’éco-resort, voisin du parc ornithologique de Pont-de-Gau. » Il parle aussi d’un luxe, « les pieds nus ». Une sorte de coolitude innée, sans clinquant, mais avec du chien, du mordant, « à une heure de route de la gare TGV d’Avignon ». Quant à l’esprit festif propre aux Bains de la rue du Bourg l’Abbé, on le retrouvera le temps d’une pool party, d’une expo, d’un festival de musique calqué sur celui qui vient de s’achever dans le 5 étoiles du grand Est parisien « le plus à l’Ouest de la capitale ».

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