Elle a traversé Paris pour venir jusqu’à la rue Cujas. Elle aime découvrir de nouveaux lieux. En l’occurrence French Theory, à la fois hôtel, cantine, concept store et même studio d’enregistrement. « On pourra aller le voir ? » C’est prévu… Dès qu’on parle guitares, micro, enceintes, ampli, consoles… Valérie Leulliot tend l’oreille. Car la musique, c’est sa vie. En 1993, elle a formé le groupe pop Autour de Lucie. Et vingt-huit ans plus tard, la chef de « band » n’a rien lâché. Cet hiver, elle sort un nouveau 45 tours : Bunker est en face A, Rouge invisible en face B. Ça faisait un bail qu’on n’avait pas vu un si petit vinyle arriver dans les bacs. L’événement ravive tout un tas de souvenirs. En particulier chez Valérie Leulliot, dont la mère bossait à la radio. C’était une voix d’Europe 1. Elle avait alors accès à la discothèque de la station et rapportait des piles de 45 tours à sa fille. « J’écoutais tout. Ce qui venait des États-Unis, mais aussi Michel Berger, Véronique Sanson, Alain Souchon… » Puis, il y a eu Radio 7, les émissions de Bernard Lenoir sur France Inter et les cassettes audio sur lesquelles la jeune Valérie compilait pop française et « indé » anglais. Ado, elle passait aussi, en boucle, l’album Diana de Diana Ross. C’était le début des années 1980. Valérie Leulliot sortait de l’Ecole bilingue et faisait des étincelles en sciences dans « une école de bonne sœurs », qu’elle compare à une prison : « C’était mon Fleury-Mérogis. » Ce qu’elle en retient ? « Des cours de flûte qui auraient pu me dégoûter de la musique et la messe, où j’allais chanter : c’était mon échappatoire. » Le reste du temps, si on la cherchait, elle roulait, patins aux pieds, sur la piste noire de La Main jaune, avec les tubes de Chic qui tournaient sur la platine.

« Un premier rang avec des punks à crêtes »

« Je voulais faire médecine. » Mais sa note en sciences nat’ au bac est trop moyenne. Alors Valérie Leulliot bifurque en école de commerce. « Un cauchemar », résume-t-elle. Son meilleur souvenir : « Un concours de déguisements que j’ai gagné, habillée en Boy George ! » Puis, hasard des trajectoires, lors d’un stage dans une agence de pub, cette fan des Pale Fountains décroche l’occasion de poser sa voix sur des maquettes de disques. Elle sent, elle sait que cette route est la bonne à suivre. Les petits jobs qu’elle accepte dans la mode ne la font pas changer d’avis. Lorsque sa mère lui offre sa première guitare, Valérie Leulliot a 25 ans et s’initie, en solo, aux sons, enchaînements, accords. « J’ai tout appris à l’oreille. » Sa première montée sur scène, c’était en mars 1992 au Rex Club, en amorce d’un concert d’un groupe emmené par Frédéric Lo. « J’avais une chemise à carreaux, une queue de cheval, une guitare 12 cordes et un premier rang avec des punks à crêtes », raconte-t-elle. Morte de trouille, elle va bluffer la salle en interprétant Don’t bother me, la première chanson écrite par George Harrison pour les Beatles.

« Quand il compose, je trouve tout de suite les textes »

La suite ? Ses premières maquettes se baladent sur une compilation qui circule dans Paris. De fil en aiguille, Valérie Leulliot rencontre le bassiste Fabrice Dumont et le guitariste Olivier Durand. Ensemble, ils forment Autour de Lucie. Un nom de groupe né d’une soirée à refaire le monde : « Lucie, c’est la lumière et ça sonnait plutôt bien. » En 1994, un premier album sort. Un an plus tard, l’équipe s’étoffe, après le départ d’Olivier Durand : Jean-Pierre Ensuque le remplace et le batteur Bruno Saunier débarque. Trois albums vont suivre jusqu’en 2004, année où Fabrice Dumont est remplacé par Fred Fortuny. C’est aussi l’arrivée de Sébastien Lafargue : « J’ai eu un flash artistique avec lui », confie Valérie Leulliot. Autrement dit : « Quand il compose, je trouve tout de suite les textes. » Résultat : après une décennie de silence, Autour de Lucie revient en 2015 sous la forme du duo Leulliot-Lafargue. Duo qui vient donc de récidiver avec un 45 tours. Ses deux titres, pourtant mixés en 2019, font curieusement écho au contexte actuel. Les paroles mêlent enfermement, isolement, détresse, dans une douce mélancolie teintée de poésie. Ce vinyle, dont la pochette a été réalisée par l’artiste Jean-Luc Favéro, est édité en série limitée à 200 exemplaires et vendu 15 euros. « C’est une façon de redonner de la valeur à la création », explique Valérie Leulliot. Et avec son complice, elle ne compte pas s’arrêter là. Un clip est actuellement en tournage. Une résidence à Clichy est en cours de préparation. Des concerts s’organisent pour la rentrée de septembre. Parce que la gamine qui usait ses rollers à La Main jaune n’en a pas fini avec « les liens très forts » qui l’unissent à la musique.

Album Bunker, dispo ICI.