Elle a présenté Le Pont des Artistes sur France Inter pendant près de vingt-cinq ans. Puis, elle a poursuivi son émission au Triton et sur Trit[Online], avec Dominique A comme parrain. Isabelle Dhordain vient de nous quitter. C’était une amie. Je l’ai interviewée à plusieurs reprises sur la musique et son travail de fouineuse, dénicheuse, bref de journaliste. Arthur H, Juliette, Benjamin Biolay, Vincent Delerm, Les Têtes raides…  elle les a tous découverts. Elle m’a mise, par exemple, sur les traces d’Ignatus. Elle m’a aussi emmenée voir sa discothèque, qui comptait plus de 8 000 CD. Avec des raretés, comme la première maquette de Vincent Delerm – il a été son stagiaire à France Inter - : « Sur cette maquette, il y a le numéro de téléphone de ses parents, car il habitait encore chez eux à l’époque », m’avait confié Isabelle. Nous venions alors de l’immortaliser avec le photographe Frédéric Poletti pour le magazine Maison Française.

« Une pop à la fois mélancolique et joyeuse »

Et puis, elle m’a raconté l’histoire de son premier album : celui qu’on n’oublie pas. Celui qui débute une collection, nourrit une passion. Le sien, c’était Dans un vieux rock’n’roll de William Sheller. Isabelle en parlait avec spontanéité, simplicité, émotion :

 « C’est ma sœur aînée qui m’a offert cet album. Parce qu’à l’époque, en 1976, j’aimais écouter Souchon et Sheller. Pour m’aider à me lever le matin, elle me passait le disque : je me réveillais en chanson. Avec un faible pour Genève et les magnifiques images suscitées par Sheller dans Le Carnet à spirales. Je réécoute tout Sheller encore aujourd’hui. Dans un vieux rock’n’roll n’est pas son meilleur album, mais il marque son passage de la chanson de variété au rock symphonique. Cela reste un album très enjoué, une pop à la fois mélancolique et joyeuse. Ça me mettait de bonne humeur le matin. C’est Barbara qui a dit à Sheller : tu devrais chanter. Lui : mais je n’ai pas de voix. Elle : moi non plus. Mais nous sommes des diseurs. C’est vrai que Sheller est un diseur, un conteur : quand il chante Genève, on s’y croirait. D’ailleurs, des années après, quand je suis allée dans cette ville pour la première fois, j’ai tout de suite pensé à cette chanson. »