Leur bureau, c’est une grande table dans un espace partagé avec d’autres, boulevard Voltaire à Paris. Bouquins, journaux, stylos jonchent le plan de travail, avec vue sur les toits du XIème arrondissement. Avant, ils se retrouvaient dans un « coworking », comme ils disent. « Mais c’était plus cher qu’ici. » Ici, ça donne l’impression d’une grande coloc’, où l’on croise aussi bien une photographe « en devenir » que l’actrice Agnès Soral, la punkette inoubliable de Tchao Pantin. « Ils », ce sont Lucas Bidault, César Marchal et Simon Rossi. Une bande de copains qui, une fois diplômés, ont eu envie de créer leur média. Une revue trimestrielle baptisée Sphères. Le quatrième numéro vient de sortir en librairie et, pour la première fois, en kiosque. Un défi. Un vrai pari, en pleine crise sanitaire, où d’aucuns flippent pour rien, d’autres s’angoissent de tout et, eux, croient en l’avenir, à commencer par celui d'une certaine presse « papier ».

Un millier de postulants pour une cinquantaine de places…

Lucas Bidault et Simon Rossi se connaissent depuis l’école primaire. C’était à Montpellier. Jamais perdus de vue, ils se sont même retrouvés à Lyon, « par hasard » : le premier était en fac d’histoire, le second en école de commerce. Son master en poche, Lucas Bidault ne veut pas devenir prof. Alors il tente sa chance au concours du Centre de formation des journalistes (CFJ), à Paris : un millier de postulants pour une cinquantaine de places. Il fait partie des heureux élus. Même scénario pour César Marchal, le Parisien de l’équipe. Né dans le Vème, il est passé par le lycée Henri IV, enchaîne avec une prépa littéraire à Claude Monet, puis décroche un ticket d’entrée au CFJ, même promo 72 que son complice Lucas Bidault. Simon Rossi, lui, débarque à Paris en 2018. Son premier job : chargé de mécénat à l’Orchestre de Paris. Trop plan-plan pour lui. Il recroise la route de son pote de primaire et le ménage à trois démarre fin 2019.

Fumeurs de pipe, plongée sous-marine et pèlerins

Un peu de pub mais pas trop, une fabrication « made in Normandie » et une qualité de contenu : ces trois partis pris résument l’esprit de Sphères. Un « magazine de collection » qui se garde et se décline sur un thème à chaque numéro, afin de viser une niche, une communauté, un cercle… d’où son titre. Le trio a ainsi déjà traité des fumeurs de pipe, de la plongée sous-marine et des pèlerins. Le petit dernier s’intitule Les reconstituteurs. On y trouve aussi bien le sosie officiel de Napoléon qu’un entretien avec Stéphane Bern, ou encore le portrait d’un couple de traiteurs qui testent des recettes de la Renaissance et du Moyen Age… Le modèle économique de Sphères ? Le duo Bidault-Marchal l’a élaboré au CFJ. Et pour cause : le mag’ était leur projet de fin de cursus. « On a eu 14,5 sur 16 », souligne César Marchal, le rédac’ chef de la revue. Revue dont le dernier numéro a été tiré à 10 000 exemplaires – au lieu de 5 000 - : arrivée en kiosque oblige. Ça leur donne un peu le vertige, mais ça les motive aussi. D’ailleurs, après quelques errances et tâtonnements, ils se sont entourés d’un photographe-directeur artistique, d’un maquettiste et de quelques contributeurs. C'est le début d’une aventure, humaine avant tout.