Confessions de confinés # 1

Ils sont écrivains, musiciens, designers ou photographes. Ces « enfermés bien inspirés » parlent de leur confinement. Confessions en 3 questions, illustrées en 1 image.

 

Marie Céhère, romancière : « Je suis enfermée depuis plus de trois semaines »

Toujours inspirée par temps de confinement ?

M.C. : Pas du tout ! J’ai terminé un roman au mois de janvier, je m’étais aussitôt lancée dans un autre projet, et je n’ai pas avancé d’un centimètre depuis le début du confinement. Il y a eu la période où j’étais accro aux infos, aux chiffres, où je traquais tous les avis et les points de vue du monde entier sur Twitter. C’est inutile et anxiogène. Comme je travaille pour la presse suisse, la charge de boulot est double, voire triple. Je me cache un peu derrière ça pour ne pas me remettre à l’écriture. 

Quand je lis les « journaux de confinement » de certains et certaines, je me dis que le piège, c’est de « jouer à l’écrivain » en période de crise. Globalement, c’est très mauvais. Je ne veux pas céder à l’urgence d’écrire, de laisser une trace, de témoigner, bla bla bla. Tout le monde témoigne depuis son canapé ! Et souvent les plus mal placés, ceux qui sont loin du front… Donc, je n’écrirai rien, ni demain ni l’année prochaine, sur le confinement et le coronavirus.

La dernière image postée sur les réseaux dits « sociaux » ?

M.C. : La dernière image, outre le défi des photos d’enfance, qui m’amuse, c’est une image que j’ai trouvée dans la banque de photos d’archive hongroise Fortepan. Elle date de 1939, le lieu n’est pas précisé. On voit un jeune homme immortalisé en plein saut périlleux sur la glace. C’est léger, gracieux, hypnotique. La dernière pirouette avant l’apocalypse de la guerre. 

La priorité, une fois déconfinée ?

M.C. : La priorité, une fois tout ça terminé, ce sera de ne pas trop vite revenir à la « normale », le monde d’avant, bruyant, sale et égoïste. Et sauter dans le premier train pour Deauville ou ailleurs en bord de mer, courir sur la plage, boire la tasse, saluer les mouettes, me dire que merde alors, on est vivants.