Paris, ville en vie… même à l’heure du Covid-19 / chronique n°1

17 mars 2020, 6 heures du matin. Des bruits sur le palier. De quoi réveiller trois étages. Des bruits de valises chargées à la hâte dans l’ascenseur. « Le taxi est là… » Les voisins d’en face s’en vont. Ils se font la malle. Ils quittent l’immeuble, pour ne pas dire le navire. Ils n’auraient pas été de bons coéquipiers en mer... Ils sont partis à l’aube. Presque en cachette. Plus tard, dans la matinée, des centaines de Parisiens ont envahi les gares. Objectif : s’échapper de la capitale. Comme s’ils allaient être mieux protégés en s’entassant dans des TGV ou plus « libres » ailleurs… quand le virus est partout.

S’armer de patience…

Des photos de rues désertées déferlent sur les réseaux sociaux. La capitale se vide. C’est grave docteur ? Pas tant que le cœur de Paris bat encore. Bus et métro roulent. Quant à ceux qui restent, ils s’organisent. Jamais vu une file d’attente plus policée que celle de ce matin, devant le Monoprix à l’angle de la rue Daguerre. Sur la vitre du supermarché, une pub disait : « Découvrez la livraison qui vous délivre. » Sauf qu’il faut attendre huit jours désormais pour qu’un livreur du Monop’ déboule… Alors, mieux vaut se mettre dans la file, garder ses distances, s’armer de patience. Le président de la République a parlé de « guerre », à la télé, face à 35 millions de Français… J’utilise le verbe « s’armer », histoire d’être raccord avec la sémantique du moment.

Confinement et renoncement

Paris toujours en vie. Les premières feuilles rhabillent les arbres dénudés de l’avenue de l’Observatoire. Des enfants font du vélo, leur père les suit sur une trottinette… Tout le monde n’est pas parti.  A l’instar de ma voisine du dessous. Elle n’a pas chargé ses valises dans l’ascenseur, tôt ce matin. Elle n’a pas fait la queue non plus devant le Monoprix. Je lui ai rapporté ce dont elle avait besoin. Elle, elle n’a pas le choix. Elle doit rester, attendre, garder son téléphone à portée de main, pour répondre à l’urgence : son mari est dans un service de soins palliatifs, avenue Emile Zola. « Il est au bout du chemin. C’est une question de jours… » a dit le médecin, en posant une boîte de Kleenex sur son bureau. Confinement et renoncement. Double épreuve et double peine pour la voisine du dessous. Je l’aide. Je l’accompagne, car on ne peut plus le faire avec le malade en fin de vie. Compliqué d’aller à son chevet : depuis ce matin, les visites sont « interdites ». La voisine du dessous sait qu’elle ne le reverra plus. Alors elle a farfouillé dans une boîte pour retrouver quelques photos d’autrefois... La voisine du dessous, c’est ma mère.