Bruxelles, jeudi 12 mars 2020, 18 heures. Les couloirs sont déserts dans l’hôtel Manos Premier, situé Chaussée de Charleroi. Ce 5 étoiles brade certaines de ses chambres à 100 euros la nuit. Personne au resto. Personne dans le jardin. Sur les 55 chambres, 10 seulement sont occupées. « Vous êtes notre seule arrivée du jour », me dit-on. Dehors, calme plat. Sauf dans les supermarchés, où les rayons se vident et les queues aux caisses paraissent interminables : une autre idée de la fièvre acheteuse… C’est le début d’un long confinement, avec quelques heures d’avance sur Paris. Bruxelles ne « bruxelle » plus. Excepté, ce soir-là, au 33 Place du Châtelain, adresse de la galerie Huberty & Breyne, qui organise le vernissage d’une exposition consacrée à l’artiste Dominique Corbasson.
Ambiance joyeuse, derrière la porte vitrée de la galerie. Comme un rendez-vous de copains, de proches, avec un mélange de générations. Le plus jeune visiteur n’a pas encore un an… La plupart ont pris des trains – vides…- pour venir voir l’accrochage d’une sélection de dessins à la gouache sur papier ou à l’acrylique sur bois. Le thème : les villes. Paris, Londres et New York. Car Corbasson était une citadine avant tout. Même si elle aimait la Bretagne, le bitume parisien, bruxellois, londonien, new-yorkais… était son territoire. Sa matière première avant de prendre crayons de couleur ou pinceaux, pour représenter des villes en vie. Des villes animées, colorées, peuplées de passants.
En zone libre
Corbasson nous a quittés en février 2018. Cette expo lui rend hommage. Un hommage tout en simplicité, comme elle aurait aimé. Un hommage, toutefois, sur fond de confinement ambiant et, ça, elle aurait moins apprécié. Parce qu’elle n’évoluait qu’en zone libre, Corbasson. Le plus souvent à vélo, un foulard autour du cou, qui volait au gré du vent. En total décalage avec les contraintes du moment, de l’instant, de cette fin d’hiver 2020. Ne plus sortir, ou a minima. Ne plus rien partager de visu, ou si peu.
Un quotidien différent, adapté, raisonné
Le retour à Paris s’est fait dans un train quasi vide. Même gare du Nord, le RER était fluide, accessible pour rejoindre la rive gauche. C’est durant ce court trajet que j’ai eu l’idée de démarrer une série de chroniques sur le thème de la « ville en vie ». Car même si on nous interdit désormais beaucoup, la vie continue. A chacun son quotidien. Comme avant le virus. Mais un quotidien différent, adapté, raisonné, où ce qui ne sert à rien est (enfin !) hors sujet, où le périph’ n’est plus saturé, où l’utile reprend le pas sur le futile, où l’urgence retrouve tout son sens.