« Je suis un Napolitain du 19e arrondissement. » C’est comme ça que Maurizio Oliviero se présente. Autre signe particulier de cet Italien débarqué à Paris en 2015 : son tatouage sur l’avant-bras. « C’est un profil de Serge Gainsbourg, réalisé en 2021 lors d’un voyage en Pologne. » Pourquoi Gainsbourg ? « Parce que c’est en l’écoutant que j’ai appris le français. » Dans son classement des « meilleurs profs », Georges Brassens, Alain Souchon et Henri Salvador arrivent juste après. Aujourd’hui Maurizio Oliviero gère la réception de l’hôtel French Theory, à Paris, à deux pas de la Sorbonne. Un job qu’il cumule avec sa passion pour la musique, le chant et les concerts. Ça tombe bien, l’hôtel dispose d’un studio d’enregistrement et d’un label musical pour produire des artistes.

« On faisait du rock, du grunge, on était branché Nirvana… »

« Je suis né à Naples et mes proches vivent toujours là-bas. Ma mère a vu le jour au Brésil, mais sa famille est napolitaine et c’est à Naples qu’elle a rencontré mon père. Mon père, ouvrier technicien dans la téléphonie, jouait de la guitare et chantait dans un groupe. Ma mère fredonnait des airs de bossa nova. Quand j’étais petit – je suis le cadet d’une famille de trois enfants -, j’ai toujours vu des guitares à la maison. J’observais ce que mon père faisait avec ses instruments. J’ai grandi au milieu de tout ça, ce qui explique sans doute la création de mon premier groupe : nous étions quatre et j’avais 16 ans. » À l’époque, son idole s’appelle Kurt Cobain. « On faisait du rock, du grunge, on était branché Nirvana… » Puis, ça va s’adoucir un brin avec Radiohead en référence et des études de littérature italienne et philo, menées en parallèle, à l’université de Naples. « Ça marchait plutôt pas mal, se souvient Maurizio Oliviero. On composait, on jouait, on multipliait les concerts. On a même décroché un contrat avec un label londonien, ce qui a débouché sur une tournée en Europe, avec une étape supplémentaire à New York. On faisait du rock alternatif, avec une chanteuse et des textes en anglais. » Mais lorsque Maurizio Oliviero obtient son master à la fac, le groupe se dissout. Fin de première « party ».

« Le messager culturel de French Theory »

Pas bien dôle de jouer en solo du jour au lendemain. Maurizio Oliviero pense alors à changer d’air. Direction Paris, pour poursuivre des études littéraires et « en savoir un peu plus sur Flaubert et Stendhal ». À sa descente de l’avion à Orly, il a 28 ans et ne parle pas un mot de français. Hébergé chez un ami prof d’italien, Maurizio Oliviero s’inscrit à la Sorbonne. Ses jours de repos, il bosse et endosse la tenue d’aide-cuisinier dans un resto du 10e arrondissement, avant de devenir serveur dans le 19e. « Le 19e : mon quartier préféré, confie-t-il. J’aime sa mixité, son effervescence… On se croirait à Naples ! » Puis, il va flirter un peu avec l’enseignement, en tant qu’assistant pédagogique et assistant de langue italienne. Mais il s’ennuie. Pas pour lui la vie de lycée. C’est alors qu’il entend parler de French Theory. L’hôtel est sur le point d’ouvrir ses portes au cœur du quartier latin. Nous sommes en septembre 2019. Il postule, puis rencontre le directeur et propriétaire Aurélien Armagnac, lui aussi dingue de son. « Durant l’entretien, on a parlé musique et très peu hôtellerie », raconte Maurizio Oliviero. Son profil plaît. On lui confie la réception et le rôle de « messager culturel de French Theory ». Réaction de l’intéressé : « Ici, je me sens chez moi. Il y a de la musique, des livres, des profs qui viennent de la Sorbonne… Je peux utiliser toutes mes compétences de façons différentes. »

Un EP de cinq titres en préparation

À force de voir des musiciens de rap, rock, jazz… venir enregistrer dans le studio de French Theory, ça a redonné quelques envies à Maurizio Oliviero. Surtout que, chez lui, il n’a jamais rompu avec la guitare : « J’en ai deux et je joue tous les jours. » Un après-midi, le temps d’une pause, il s’est ainsi installé dans le studio pour chanter. Aurélien Armagnac l’a entendu et le poussé à poursuivre, reprendre le cours de sa vie artistique. C’était en 2021. Depuis, Maurizio Oliviero fréquente le studio, seul, une fois son travail terminé à la réception. Avec de nouveaux titres, de nouvelles chansons, de nouvelles musiques et une nouvelle inspiration liée à la maturité, aux choses de la vie aussi... « Rien que mes rencontres à la réception de l’hôtel sont une matière première précieuse pour mes textes. D’ailleurs, je ne me sépare jamais de mon Bic ni de mon carnet pour noter, annoter, décrire… » Résultat : actuellement, il travaille sur un EP de cinq titres, dont il a composé paroles et musiques. « On débute les arrangements. » Sortie prévue durant l’automne 2023, avec le label French Theory et sous son nom de scène Barotomara, contraction d'un duo de mots - un italien et un brésilien - qui résume son envie de « raconter la réalité avec le filtre de la chanson et de la fiction ». Un prochain concert ? Il y pense sérieusement : « Ce sera chez French Theory, en solo guitare voix, même si la dynamique du groupe me manque, car j’adore partager la scène avec les autres. » En quelle langue ? « Je mêle italien et français dans une même chanson. Car aujourd’hui, je pense et je rêve en français, ma compagne est française, mais je n’en oublie pas mes racines : je retourne en Italie en moyenne deux fois par an. Les deux cultures coexistent dans mon quotidien. La preuve : sur ma table de chevet, j’ai toujours un livre en italien et un autre en français. »

© Dubontemps