Histoire belge ou histoire de famille ? Un peu des deux. Tout commence en 1986. Serge et Axel Van den Bossche, deux frangins dingues de design, veulent donner un coup de jeune aux pots en cuivre chinés, que leur mère livre chez des fleuristes flamands. Les frères créent la marque Serax – contraction de leurs prénoms - et commencent à cogiter dans le garage où les pots son entreposés. Leur bonne idée : à l’orée des années 1990, le duo sollicite deux pointures de l’art floral, Peter Arts puis Daniel Ost, pour lancer des collections de vases et accessoires. Celle baptisée The Flower Booth, et signée Ost, fait un tabac au salon Maison & Objet, à Villepinte. Scéno, déco, décor, tout bluffe la presse et le public. Le clan Van den Bossche comprend et apprend de cette expérience que l’ouverture aux collaborations avec d’autres talents est une clé vers la réussite. En 2009, une collection de vaisselle menée avec la céramiste Roos Van de Velde, très inspirée par la nature, propulse Serax sur les tables de chefs étoilés à travers le monde. Depuis, des dizaines de designers signent des objets du quotidien pour Serax - de la vaisselle aux canapés en passant par les verres, couverts, luminaires… - et l’entreprise veille à maintenir une fabrication artisanale. Une entreprise restée familiale. Dirigée par Axel Van den Bossche, elle compte aujourd’hui une centaine de salariés, parmi lesquels Marie Michielssen, conceptrice attitrée de la maison et épouse du boss. On lui doit notamment le Cactus Vase, une céramique colorée de la forme de la plante grasse, venue rejoindre les best-sellers signés Serax. Les raisons du succès ? Quand on demande à Axel Van den Bossche de citer les qualités d’un objet du quotidien, il répond : « Fonctionnalité, intemporalité, beauté, matières premières naturelles et durabilité. » CQFD.

Service de table dessiné par Vincent Van Duysen pour Serax.

Bras tatoués, barbecue, comptoir XXL et profils sur bumble

Créations Serax, imaginées avec le chef Yotam Ottolenghi, à la tête de restaurants et épiceries à Londres - © Victor Robyn

Jeudi, 17 heures, dans la banlieue d’Anvers, où se situent le siège et le showroom de Serax. Les équipes s’affairent. Un cuistot aux bras tatoués s’active pour préparer un barbecue. Sur la terrasse Axel Van den Bossche peaufine et répète son texte. Marie Michielssen fait une pause-café dans la cuisine, à l’arrière d’un comptoir XXL recouvert de zelliges vert bouteille. Dans moins d’une heure, plus d’une centaine d’invités viendront découvrir, en avant-première, les dernières pièces de mobilier que le designer Maarten Baas et l’architecte Vincent Van Duysen ont conçu pour Serax. Un DJ s’installe aux platines. Les barmen organisent leur réserve de boissons. Les serveurs se parent de tabliers foncés. Les tests de lumière sur la scène sont concluants. Le show peut commencer. Discours, mise en situation des nouvelles créations, prises de paroles. Maarten Baas, chapeau vissé sur la tête, se compare à « un artiste dans le corps d’un designer ». Il présente du mobilier d’extérieur aux lignes irrégulières et organiques, qui témoignent de l’esprit de son travail volontiers radical, hors des codes, loin des modes. Quant à Vincent Van Duysen, il n’en est pas à son coup d’essai avec Serax. Vaisselle, accessoires, mobilier d’extérieur, il a tout fait. Cette fois, il signe une collection de canapés baptisée Rudolph, clin d’œil à Rudolf Michael Schindler, architecte du début du XXe qui a œuvré aux côtés de ses confrères Adolph Loos ou encore Frank Lloyd Wright. Fin des prestations orales. Et début du cocktail-dînatoire, où tout se mange et se boit dans des séries Serax. Quelques paillettes sur une robe, une veste, un foulard. On repère une paire d’escarpins impression python. Mais le gros des troupes sort du bureau et n’a pas quitté l’uniforme « jeans-baskets ». Musique, rires et bas les masques. Deux Parisiennes enchaînent les verres de vin et font défiler des profils sur bumble. Rideau.

Les objets en céramique de béton, signés Frederick Gautier pour Serax.

Un ancien couvent où les nonnes confectionnaient de la lingerie

La maison-galerie de Veerle Wenes, dans un ancien couvent anversois.

L’histoire belge joue les prolongations.  Avec des ramifications. En 2014, la galeriste Veerle Wenes a un projet de création de couverts, avec des designers, qu’elle soumet à Axel Van den Bossche. Le patron de Serax adore, adhère et, un an plus tard, les deux complices donnent vie à la marque Valerie Objects, avec des pièces signées Muller Van Severen ou encore Maarten Baas. Pièces que l’on trouve exposées dans la maison-galerie (Valerie Traan Gallery) de Veerle Wenes, un ancien couvent au cœur d’Anvers, où les nonnes, autrefois, confectionnaient de la lingerie. Quant à Valerie Objects, en six ans, la maison d’édition a développé mobilier, arts de la table, tapis, luminaires… avec des designers, architectes, artistes « qui s’inspirent du quotidien et ont un univers fort », souligne Veerle Wenes. En plus de Maarten Baas  et du duo Muller Van Severen, les Nendo, Chris Kabel, Glenn Sestig ou encore Studio Wieki Somers font partie des élus.

Des objets à tester et apprivoiser à l'hôtel August

Du Serax sur toutes les tables de l'hôtel August, à Anvers.

Enfin, les fans de Serax ont leur QG. À savoir l’hôtel August, à Anvers. Dans cet autre ancien couvent métamorphosé, avec bar, resto, spa, piscine, rooftop, tous les arts de la table, accessoires de salle de bains ou autres luminaires viennent de chez Serax. Même scénario pour le mobilier d’extérieur conçu par Vincent Van Duysen. Autrement dit : séjourner dans cet hôtel, c’est vivre avec ces objets, les tester, les apprivoiser… avant de les acheter ? « Depuis le confinement, les gens s’intéressent davantage à leur intérieur, car ils y passent plus de temps », constate Axel Van den Bossche. Il ajoute : « Une vaisselle peut exprimer notre personnalité. Les matériaux, les finitions, les couleurs et les styles en disent souvent long sur nous. » Les objets tel un prolongement de soi. À ce propos, qu’en est-il du boss de Serax ? « Chaque matin tôt, quand tout est encore calme, je bois mon café dans des tasses dessinées par Ann Demeulemeester. Et, le soir, je regarde la télé dans un canapé imaginé par Bea Mombaers. » Le tout étant répertorié parmi les quelque 6 000 références que compte désormais la marque qu’il dirige. Une société prospère qui ne lui fait pas oublier les pots de fleurs d’hier, stockés dans le garage familial. Il en reste quelques vestiges au rayon collectors du siège anversois.

Serax, c'est aussi ICI.

Canapé "Rudolph", Serax x Vincent Van Duysen. Disponible à partir du printemps 2022.