Quand j’ai créé ce blog en 2008, avant même qu’il ne soit webzine huit ans plus tard, l’idée était de montrer et raconter ce que l’on ne voit pas dans la presse, à cause de l’humeur d’un rédac’ chef ou de l’influence d’un annonceur…. 1 Epok formidable a été, d’emblée, une sorte de terrain de jeu. Un quartier libre. Plus de dix ans plus tard, je m’aperçois qu’il a donné vie à une « communauté ». Terme galvaudé à l’heure des réseaux sociaux. Mais c’est pourtant bien de ça qu’il s’agit. Car au fil des rencontres, le temps d’un café, d’une interview ou d’une séance photo, le « carnet d’adresses » d’1 Epok s’est enrichi. Et il s’enrichit encore. De profils et de personnalités différents. Parfois certains se connaissent et s’amusent de se retrouver mis en ligne, « eux aussi », sur le fil d’1 Epok. D’autres se rencontrent grâce au webzine. D’autres encore ouvrent des portes pour que l’équipe d’1 Epok fournisse contenu, images, idées… Une dynamique qui se développe un peu plus encore aujourd’hui, avec la revue « papier ». Mais je dois avouer qu’à chaque fois que je m’intéresse à une personne inconnue, méconnue ou soudain ignorée des médias, et que celle-ci, par son travail, son obstination, ses partis pris, sort subitement de l’ombre, j’ai l’impression d’avoir « fait le job ». « Mon job » : celui qui consiste à « aller vers », fouiner, chercher, rencontrer, sentir, ressentir, raconter, témoigner.

Fédérer des compétences d’artisans, artistes, tanneurs ou encore designers

Avec Karine Arabian, c’est déjà une longue histoire entre elle et moi. Celle-ci a commencé en 2011. Je l’avais sollicitée pour un sujet « mode » à paraître dans le magazine Maison Française : elle devait me montrer à quoi ressemblait son dressing… Créatrice de souliers et accessoires, elle avait trouvé l’exercice… amusant. De mon côté, j’avais apprécié cette fille sans chichis, loin d’avoir la grosse tête. J’avais aimé aussi son regard juste sur le quartier Poissonnière, où elle a grandi et toujours vécu, qui était alors en train de virer à… l’aseptisé. Six ans plus tard, j’ai eu envie de la revoir. Sa vie avait changé. Elle était en quête d’une nouvelle liberté d’expression et de création. Elle avait un projet dans les cartons. Un projet un peu fou. Mais sans prise de risque, comment sortir des sentiers battus ? Comment prendre l’air ? Comment s’échapper du peloton ? – on n’oublie pas que demain, c’est… l’arrivée du Tour ! » - Avec le photographe Bruno Comtesse, nous avons fait son portrait en 2017. Elle a ainsi rejoint la liste des Etre(s) Singulier(s). Depuis, j’ai suivi la progression du fameux projet, comme on regarde avec fidélité les épisodes d’une série télé. Karine Arabian a même signé un billet d’humeur dans le n°2 de la revue 1 Epok formidable, en janvier dernier, qui ressemblait à une mise à feu. Et c’en était bien une. Avec son complice, le graphiste Franck Blais, elle vient de donner vie à JN. Mellor Club. C’est quoi, ça ? Une marque au sein de laquelle le duo Arabian-Blais fédère des compétences d’artisans, artistes, tanneurs ou encore designers. Ensemble, ils créent des accessoires, cabas et bientôt souliers, où chaque piqûre, chaque détail, chaque matière raconte une histoire. C’est en mai dernier, au salon Révélations – le bien nommé -, au Grand Palais à Paris, que JN. Mellor Club a fait sa première sortie en ville. C’était avec une sélection de pièces en cuir d’exception – comme l’agneau plongé - et autres pierres semi-précieuses, sorte de teasing de ce que la marque souhaite développer. Karine Arabian parle de « simplicité », « pureté » et de « bel objet ». On peut ajouter la spontanéité, l’évidence… « le tout avec trois francs six sous ! ». Une absence de moyens qui donne d’ailleurs beaucoup de fraîcheur aux réalisations. A commencer par les cabas, inspirés par des sacs de ciment. Ou encore les drôles de blasons, pour Blazers/Blasons, vendus dans la boutique A Rebours au Lafayette Anticipations.

© Olivier Busson

© JN.Mellor Club

« Mellor, c’est le vrai nom de famille de… Joe Strummer ! »

« Nous voulons fonder une famille de créateurs », explique Karine Arabian. Son mode opératoire : « Les interactions entre les gens. » Le temps d’un dîner, par exemple. « JN. Mellor Club, c’est une communauté d’esprits », renchérit Franck Blais, qui a sollicité la participation « d’anciens copains des Beaux-Arts d’Angers ». Mais, au fait, ça veut dire quoi JN. Mellor Club ? Arabian et Blais se marrent : « J et N, ce sont les initiales de nos mères respectives, Jocelyne et Nicole. Quant à Mellor, c’est le vrai nom de famille de… Joe Strummer ! » Enfin, l’idée du club, c’est pour éviter le mot… « communauté ». Un club qui fait déjà parler de lui au-delà de nos frontières : les pièces en cuir, présentées au salon Révélations, viennent de s’envoler pour la Chine. Elle seront exposées au George V Art Center de Pékin, du 15 août jusqu’au 15 septembre. Et la rentrée ne sera pas de tout repos : une sélection de petite maroquinerie et un bijou seront à découvrir au salon Première Classe, du 27 au 30 septembre aux Tuileries, puis le JN. Mellor Club investira une suite d’hôtel, à Paris, début 2020. « Je voulais sortir du phénomène des collections, des contrats et des quantités. Je rêvais d’une liberté de marge de manœuvre », confie encore Karine Arabian. Quant à sa quête de talents, artisans et savoir-faire : « S’ils sont sur la ligne 8 du métro – c’est celle que nous empruntons le plus -, tant mieux ! Sinon je vais là où ils sont. »