Petite fille, elle allait « aux noisettes et aux marrons ». Françoise Darmon a grandi à Louviers. Dans sa chambre : « J’avais des dessins de mode sur les murs. » Grâce à un prof de français « extra », elle découvre le plaisir de la lecture en classe de 6e. Puis, elle veut devenir journaliste : « J’étais fan de Lucien Bodard. » Finalement, elle atterrit sur les bancs de la fac de pharmacie, avenue de l’Observatoire à Paris : « J’aimais bien la parasito et la chimie. » Pendant quatre ans, elle va apprendre par cœur. Jusqu’au jour où elle décide de s’affranchir de ce qu’on attend d’elle. Car Françoise Darmon est avant tout une femme libre. Pour elle, la seule leçon de chose qui vaille la peine, « c’est apprendre à dire non, pour respecter ses idées ». A ce titre, elle se souvient d’un artiste qui a refusé une commande « parce qu’on lui imposait un fauve empaillé dans le décor ».

Gaveau, Starck et sanisettes

Art, artistes, design et designers… c’est vers ces univers qu’elle va s’orienter en arrêtant « pharma ». « A la fin des années 1970, j’ai vendu le piano Gaveau de maman pour acheter du Buren. » La rebelle se révèle. En 1984, elle fonde Creative Agent Consultants. Françoise Darmon se sert de cette agence pour « promouvoir la création et le design au sein de l’entreprise ». Pour elle, le design est « un facteur essentiel de compétitivité ». A l’époque, ça surprend. Normal : Starck débute et Jean-Claude Decaux vient juste de planter ses premières sanisettes dans Paris. Mais avancer sur des chemins encore peu balisés ne fait pas peur à Françoise Darmon. Au contraire. C’est parce qu’il y a tout à faire qu’elle se complait à rencontrer « ces inconnus devenus, plus tard, personnalités d’exception ». Elle cite pêle-mêle Philippe Starck bien sûr, mais aussi Jean Nouvel, Sylvain Dubuisson, ainsi que Daniel Buren, François Barré ou encore Olivier Megaton - « aujourd’hui bankable à Hollywood » -. « Ma vie est un engrenage de rencontres », dit-elle. Et même si son obsession reste « la promotion du dialogue entre industriels et designers », elle va aussi vers les peintres, sculpteurs, photographes, réalisateurs, publicitaires… Tout l’attire. Tout l’inspire. « Je fonctionne à l’instinct. » Un profil idéal pour ouvrir les esprits des étudiants du master Luxe de Paris Dauphine, où Françoise Darmon intervient.

Du « produire plus » au « produire mieux et moins »

Pour partager son intérêt pour le design, tous les moyens sont bons. En 1995, Françoise Darmon initie la série télé Histoires d’objets. En 1992, elle publie un ouvrage sur « l’apport du design dans le monde industriel ». C’est le premier tome d’un travail qu’elle a intitulé Du sens dans l’utile. Ce livre a aujourd’hui une suite : un tome 2 vient d’être édité par la maison Skira, avec une direction artistique confiée à Philippe Apeloig - la signalétique du Louvre Abou Dabi de Jean Nouvel, c’est lui…-. Dans cet ouvrage, Françoise Darmon enfonce le clou : elle boycotte le « produire plus » et prône le « produire mieux et moins ». Pour nourrir son argumentation, elle puise dans huit exemples d’entreprises qui ont su caler leur sémantique sur celle de designers. C’est le cas de Saint-Gobain avec les Sismo, L’Oréal Luxe avec Viktor&Rolf, Renault avec Ross Lovegrove ou encore des Nouveaux commanditaires-Fondation de France avec matali crasset. La démonstration de Françoise Darmon fait mouche. Elle ne donne pas de leçon et ne fait pas la morale. Elle guide. Comme elle guide le visiteur dans son appartement parisien, où se côtoient de nombreuses pièces de designers et artistes contemporains. Les noms donnent le vertige. Mais, pour elle, ce sont d’abord des objets liés à des rencontres. L’humain avant tout. Car, sans lui, l’utile perdrait sens et essence.

Du sens dans l’utile, par Françoise Darmon. Editions Skira. 49€. Le 6 décembre en librairie. Et aussi : rencontre-signature le 8 décembre à 18h à la librairie du Palais de Tokyo et le 14 décembre à 18h30 à la librairie du Centre Pompidou.