bcc_9768« La couleur, c’est la vie. » matali crasset s’en pare et s’en inspire. « Quand on est petit, on aime certaines couleurs, ça évolue tout au long de notre vie. Retirer la couleur, c’est un peu s’interdire de vivre », explique la designer, qui a fait des tonalités colorées, acidulées, une signature. « J’utilise la couleur comme une alliée. Elle me permet de casser les codes. Grâce à elle, je peux clarifier le scénario de vie proposé dans un espace. » Un scénario qu’elle ouvre sur le « vivre ensemble ». Avec elle, fini le cocon. On oublie le repli sur soi. « A force de s’autoprotéger, on se renferme, on ne partage plus. » Quand elle imagine l’hôtel Hi matic, à Paris, l’esprit self-service, la réservation sur le Net, le check-in automatisé… tout incite, tout invite à sortir, investir la ville, partir à sa découverte. « C’est la même chose avec un canapé : certes, il a été pensé pour se poser, se reposer, mais aussi pour pouvoir s’en échapper. »

Un « scénario de vie » comme projet de diplôme à l'Ensci

Après son bac, matali crasset a étudié le marketing. Une erreur de jeunesse ? « Je me suis laissée entraîner… » Mais quand elle tombe sur la brochure de l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (Ensci), « j’ai su que c’était vers le design que j’avais envie d’aller ». Elle intègre l’école, où son projet de diplôme est déjà un « scénario de vie » pour faciliter la nôtre : « il s’agissait d’une trilogie domestique avec une lampe, un robinet et un petit chauffage, le tout doté de beaucoup de technologie. » C’est une rencontre avec le designer autodidacte Denis Santachiara, en Italie, qui lui prouve qu’avec une petite structure, on peut créer du produit, de l’espace, tout en intégrant du high-tech. Quant à ses cinq années passées auprès de Philippe Starck, « c’était comme un conte de fées », se souvient matali crasset. « Il m’avait confié la direction artistique de Thomson Multimédia. Nous étions au début des années 1990 et personne ne voulait s’occuper de ça. Or c’était de la production industrielle à grande échelle, ce qui me passionne. »

« Aborder une problématique en faisant un pas de côté »

En 1998, elle crée son propre studio, à Paris. Objets, pièces de mobilier, hôtels, scénographie, école à Trébédan, cinéma à Paris, bibliothèque à Genève… elle touche à tout. Mais ne s’égare pas. Attentive au monde qui l’entoure, aux évolutions de la société, à nos manies, nos manières, elle adapte sa réflexion « sur le quotidien » pour créer « juste ». « On vient me chercher pour les logiques de vie que je propose, le regard que je pose sur les évolutions de notre société. J’essaie toujours d’aborder une problématique avec un angle différent, en faisant un pas de côté. » Ainsi, dans sa maison de Belleville, a-t-elle opté pour un pan de mur orange dans sa chambre, « pièce où je ne vais que le soir ». « Ce pan est la première chose que je vois en ouvrant un œil. Et c’est cette couleur, à la fois chaude et lumineuse, qui m’aide à me réveiller. » Certaines des réalisations de matali crasset sont aujourd’hui exposées au Centre Pompidou ou au MoMA de New York. Une reconnaissance qui n’a en rien remis en cause l’écriture de son nom… tout en lettres minuscules.