Peintre en bâtiments

ZEVS 1 crop

« J’ai grandi dans un atelier d’artistes ». Même si Aguirre Schwarz est né en 1977 à Saverne, en Alsace, c’est dans le 20ème arrondissement de Paris, « près de la Flèche d’or », qu’il a passé enfance et adolescence. « Daniel Buren venait voir mes parents et l’atelier où nous vivions servait parfois de lieu d’expositions ». Le terrain était propice à la (ré)création. « Depuis l’une des fenêtres, on avait vue sur la petite ceinture, se souvient-il. Avec des jumelles, j’observais les graffeurs qui recouvraient les murs de dessins. Puis, petit à petit, je m’y suis mis, moi aussi ». En dehors de l’atelier familial, les voies ferrées ont donc été son premier « terrain de jeu ». Ses débuts : « des tags, des formes plus élaborées, puis des graffitis ». A cette époque -formidable-, dans les rues du 20ème, il était facile de croiser une pléiade d’artistes urbains, dont Jérôme Mesnager. Ce sont d’ailleurs ces rencontres spontanées qui ont donné envie à Schwarz de « faire du décalé ». Sortir du rang. Marcher sur un fil. Quitte à risquer d’en tomber. Ce qu’il a évité de justesse un jour de 1992, sur la ligne de RER A, station Val de Fontenay : un train l’a frôlé alors qu’il réalisait un graffiti sous un tunnel. Schwarz est alors devenu Zevs : un nom de scène qu’il tient du nom de code du RER -ZEVS- qu’il a vu arriver face à lui.

La tête enfouie sous un bas imprimé léopard

Depuis, « transgresser les limites » et « modifier les messages établis » sont ses priorités. Une raison de vivre. Il a ainsi défrayé la chronique en entourant l’ombre portée du mobilier urbain, comme on délimite une scène de crime. Il a revisité, de nuit, la tête enfouie sous un bas imprimé léopard, les marques qui se remarquent, en les détournant pour mieux les dissoudre, les liquider, les faire dégouliner. Ce qui lui a parfois coûté cher. Comme à Hong Kong en 2008, où il a évité la prison de justesse pour avoir « malmené » le logo Chanel sur le mur face à la boutique éponyme. A son palmarès aussi : un kidnapping visuel en 2002 à Berlin, sur l’Alexanderplatz, où il a découpé dans une bâche une immense pin-up Lavazza, puis réclamé une rançon de 500 000 euros « pour soutenir des artistes ». Les Allemands ont adoré. D’ailleurs c’est à Berlin qu’il vient d’élire domicile. Après New York, son atelier est désormais là-bas. « C’est une ville décontractée, où je me sens bien, même si je ne maîtrise pas encore très bien la langue. C’est aussi une façon de prendre du recul avec la France », confie celui qui aime s’approprier la rue et ses bâtiments autrement. Un art du détournement qu’il duplique et applique également dans ses toiles. Par exemple, en égratignant les rois du pétrole aux abords des fameuses piscines de David Hockney, qu'il a revues et corrigées. Ou encore sur lui, en portant des lunettes de plongée en guise de nœud papillon. Son prochain défi : investir le château de Vincennes. C’est prévu pour l’automne 2016. L’aspect institutionnel du lieu ne l’effraie pas. Et pour cause : « mon travail a déjà côtoyé des œuvres de Monet et Rodin dans la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague ».

A voir : expo "Aguirre Schwarz au pays de l'or noir", jusqu'au 14 novembre 2016 à la galerie Marcel Strouk / 23 rue de Seine, 75006 Paris.