TGV à quai

D’habitude, Paris-Angers se fait en 90 minutes. Hier soir, il a fallu deux heures de plus. A cause d’un TER en panne entre Le Mans et Angers, bloquant la voie sur laquelle circulait le TGV Paris-Le Croisic. L’annonce de ce retard a eu lieu vers 21 heures. Le TGV est donc resté en rade au Mans, à quai, pendant près de deux heures. Mais que se passait-il à bord ? C’était la fête. Etant montée deux minutes avant le départ à Montparnasse, j’avais échoué dans les « carrés » situés entre le bar et les 1ères classes. Là, où tout se passe. Là, où les retardataires se retrouvent. Avec moi, une étudiante de la Sorbonne, un avocat parisien, prof de droit à Angers et Rennes, un couple qui venait de monter sa boîte et survivait dans 15 m2 passage Choiseul, le commercial d’une société fabriquant du plastique à Cholet et un étudiant nantais en école de commerce qui revenait d’un entretien pour un job dans une boîte de conseil « à côté des Champs Elysées ». Une micro société dans un demi wagon, qui refaisait le monde. Joyeusement. Sans doute l’un de mes meilleurs voyages. Personne n’a échangé de cartes de visite, ni même donné son prénom aux autres. Comme si c’était normal de se parler, bavarder, rire, sourire. Partager une salade. Une bouteille d’eau. Une spontanéité retrouvée dans notre époque si formidablement coincée. Etriquée. Cloisonnée. Sclérosée. Ça changeait aussi des visions apocalyptiques d’hier dans le métro : un cadre sup’ sniffant sa coke à la vue de tous sur le quai du Trocadéro à 13h30 ; un SDF déambulant pieds nus dans une rame de la ligne 2, station Ternes à 13h45, et demandant à manger à une nana obèse qui terminait son éclair au café avant de se lécher les doigts ; deux ados fouillant sans permission dans les cabas de deux touristes japonaises, qui ont poussé des cris, station Mabillon… Ça craint. Mais le prof de droit m’en a dit tout autant sur les abords de la gare d’Angers, où hier midi, les flics ont chopé de petits trafiquants de dope planqués dans un train, le temps d’un deal. Preuve qu’il se passe toujours quelque chose dans un TGV à quai.