Elle a le goût du risque. Comme les vrais joueurs. À l’orée des années 2000, Odile Andrieu-Verguin plaque tout. Directrice photo dans la presse – de La Tribune à L’Usine Nouvelle, en passant par L’Événement du jeudi de Jean-François Kahn…-, elle touche les indemnités d’un plan social qu’elle ajoute à un héritage et mise le tout sur la création d’un festival dédié à l’image. Osé. Gonflé même. Car elle ne va pas se payer durant les quatre premières éditions de ses Promenades photographiques, qui voient le jour en 2005 à Vendôme, à 47 minutes de TGV de Montparnasse. « À l’époque, on ne parlait que des festivals photo de Perpignan et Arles », se souvient-elle. Il y avait donc de la place pour tenter quelque chose d’autre. À l’instar de ses « promenades », un mix d’expositions en extérieurs et intérieurs, les premières devant inciter à pousser la porte des secondes. « Ce n’était pas gagné », reconnaît Odile Andrieu-Verguin. Mais elle a quitté Paris pour le Loir-et-Cher avec un bon réseau de photographes, journalistes, communicants. Résultat : « Il y a eu tout de suite du public et cela n’a fait qu’augmenter au fil des éditions. » Jusqu’à atteindre, en 2022, quelque 15 000 visiteurs dans l’été, rien que pour les expos en intérieurs. Car les Promenades photographiques s’étendent sur deux mois. Ainsi la 19e édition débute le 30 juin prochain pour s’achever le 30 août 2023, mais cette fois à Blois. Fini Vendôme. Le déménagement a eu lieu courant 2022, avec 400 m2 à empaqueter, porter, transporter jusque sur les bords de Loire, au pied du château royal blésois. La suite d’une aventure pour cette passionnée d’images née à Madagascar, qui a grandi à Arles, quitté l’école à 16 ans, eu un enfant un an plus tard, bossé avec le réalisateur Daniel Karlin, enseigné l’iconographie, créé un studio photo avec son mari.

Septembre 1984 - Serge Gainsbourg sur la frégate Guépratte au port de Toulon, accompagne Jane Birkin à l'occasion de l'enregistrement d'une émission de variété - © Marc Simon

Les 1000 vies d’Isis - © Brodbeck & de Barbuat

16 expos dans une douzaine de lieux patrimoniaux et touristiques

« Blois, c’est un nouveau challenge. » Odile Andrieu-Verguin fait allusion aux 16 expos photos – cette année, sur le thème du « mouvement » - à accrocher et scénographier dans une douzaine de lieux patrimoniaux et touristiques de la ville. Pas si simple, en effet, d’investir dans un même esprit la Fondation du doute et le Pavillon Anne de Bretagne, un ancien cinéma devenu centre d’art visuel – Le Capitole – et les Jardins de l’Évêché, la bibliothèque Abbé-Grégoire et la salle Malfray à laquelle on accède en traversant la roseraie, classée « jardin remarquable »… Côté programmation, la directrice générale et artistique des Promenades photographiques mêle et mélange les gens comme les genres, « avec du documentaire et du contemporain ». Cette année, le visiteur-flâneur va donc passer des portraits colorés de Delphine Blast, dans le jardin de la Fondation du doute, à la vision de la fête signée Laurent Laborie au pied de l’Hôtel de ville. L’agence MYOP, fondée en 2005 par quelques photographes – ils sont une vingtaine aujourd’hui -, s’empare des murs du Capitole. Quant au duo composé par Simon Brodbeck et Lucie de Barbuat - pensionnaires de la Villa Médicis de 2016 et 2017 -, il prend ses quartiers d’été dans le Pavillon Anne de Bretagne, face au château royal… La liste est longue et surtout elle compte quelques sites hors de Blois, au Pays des châteaux, qui valent eux aussi le détour. À commencer par le travail du photojournaliste Jérémy Lempin. De Mer à Blois, en passant par Ménars et Saint-Dyé-sur-Loire, une cinquantaine de tirages grand format jalonnent la route de la Loire et des Châteaux à vélo. Ces images racontent les 28 étapes d’un Tour de France après Covid, que le photographe a suivi en van. « Au total, dit-il, j’ai parcouru 5 693 kilomètres à découvrir ou redécouvrir mon pays à travers une course mythique. » Puis direction Mont-près-Chambord, pour voir le reportage réalisé par le photographe Olivier Coulange lors des visites de deux fermes par les élèves de six écoles primaires. Un travail original sur le métier de paysan, le fonctionnement d’une ferme locale en polyculture-élevage et le rapport des élèves à cette vie en marge de la ville. À cela s’ajoute le regard d’Olivier Coulange sur la profession de cuisinier en restauration scolaire. Une autre façon de témoigner de l’augmentation de la part de produits bio et locaux dans l’assiette des écoliers. Enfin, à ne pas manquer : les « Jours de fête ». C’est quoi, ça ? Du 27 juillet au 30 juillet 2023, une pléiade de conférences, visites d’expositions, concerts et séances de dédicaces dans un « salon de l’édition » sont organisés en présence des photographes.

En tête de course - © Jérémy Lempin

Cantine scolaire, Onzain - © Olivier Coulange

30 étudiants pour créer une œuvre collective en 10 jours

« 2023 est une année de transition. Nous prenons nos marques », confie Odile Andrieu-Verguin dans son bureau sous les toits, place de la Grève. Son équipe compte trois personnes à l’année, puis celle-ci s’étoffe à partir du printemps avec l’arrivée successive de régisseurs, de stagiaires, de bénévoles. Mais pour le choix des photographes exposés, c’est la « boss » qui tranche. Cette année, Odile Andrieu-Verguin a eu aussi carte blanche pour faire participer au festival des étudiants en photo : « Cet été, nous inaugurons un campus international avec 30 élèves issus d’écoles de photographie européennes. Ensemble, ils auront 10 jours pour créer une œuvre collective. » Cette arrivée à Blois, Odile Andrieu-Verguin la voit comme une façon de faire évoluer les Promenades photographiques. Surtout que leur fondatrice pense passer la main « bientôt », alors que le festival soufflera ses 20 bougies en 2024.

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Promenades photographiques :

du 30 juin au 30 août 2023, à Blois.

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