En grandes pompes

Il dit que c’est son père qui l’a initié, tout petit, au « bel objet ». Un père diplomate. Résultat : enfant, Thierry Oriez a beaucoup bougé, beaucoup voyagé. Avant même de passer son bac, il avait déjà vu du pays… Afrique, Etats-Unis, Amérique du Sud. La suite ? « Des études classiques. » Autrement dit : « Sciences Po, l’Essec et une maîtrise de droit des affaires. » Un cursus idéal pour intégrer « une entreprise formatée et formatrice ». Ce sera Nestlé, puis Lesieur, où il endosse la panoplie de directeur marketing. « Mais j’ai été rattrapé par l’objet », dit-il. Au détour d’une rencontre, il a l’opportunité de rentrer chez Baccarat. « C’était les années 1990. Les maisons de luxe faisaient toute la même taille. On était dans des logiques familiales. Le secteur de l’économie du luxe n’existait pas encore. Et, dans le même temps, Starck changeait notre regard sur l’objet… » Chez Baccarat, où il est propulsé directeur général adjoint, il se souvient de la forte personnalité de sa big boss Anne-Claire Taittinger : « Elle a sollicité des talents comme Andrée Putman, les Lalanne… » Quant à Starck, il va réinventer le siège de Baccarat dans l’ancien hôtel particulier de Marie-Laure de Noailles, place des Etats-Unis.

Ora Ito, Ich&Kar, Stan Smith et Weston

Ce mix entre arts de la table, artistes et designers, Oriez va l’accentuer un peu plus encore en prenant la tête de la maison Christofle en 2007. Ora Ito, Marcel Wanders, Jean-Marie Massaud, Ich&Kar… tous vont œuvrer pour l’enseigne de la rue Royale. Sept ans plus tard, nouveau départ. Oriez veut « voir autre chose ». Sans pour autant rompre avec « le côté patrimonial et mythique d’une marque ». Quand on lui propose la direction de Weston, il n’hésite pas une seconde. Surtout qu’il connaît bien la maison : « Mes premières Weston ? J’étais étudiant. A l’époque, il fallait avoir des mocassins pour la ville, des Stan Smith pour le reste », se souvient l’ancien membre du BDE de l’Essec. Aujourd’hui, quand on lui demande ce qu’il fait dans la vie, il répond : « Je travaille dans la chaussure. » Puis, quand il précise Weston, « le regard de l’autre change immédiatement ». Il parle alors glaçage, cirage, ressemelage, de produits « plus essentiels », de « public éduqué » et de « made in France ». « Ce qui m’attire dans le made in France, c’est la maîtrise des savoir faire et la logique de transmission », explique ce père de deux enfants. « Chez Weston, tout est fait à Limoges. Alors je suis super à l’aise quand on me parle de bilan carbone. »

Low boots, pop up store et commandes spéciales

Il est « super à l’aise » aussi dans les « chaussures test » qu’il porte. « Ce sont des low boots. Elles seront dans les boutiques Weston en juin prochain. » Puis il évoque l’évolution du vestiaire masculin : « C’est fini, l’uniforme. Pour s’habiller, l’homme est en quête de singularité. Aujourd’hui, par ses vêtements, le choix de ses chaussures, il veut exprimer quelque chose. » Ouvert à toutes les sources d’inspiration, il compare son job à celui de passeur : « Il faut savoir laisser les clés au suivant sans avoir détruit quoi que ce soit, tout en veillant à ce que la maison soit bien campée dans son époque. » Pour ça, il a dit oui à la création d’un pop up store Weston dans un ancien cinéma des Champs-Elysées. Il met en avant les commandes spéciales. Il part à la rencontre des étudiants de l’Essec… Sa meilleure façon de marcher ? « Droit devant. »