© Philippe Garcia

C’était un mercredi. Jour des enfants. Parfait pour organiser une « classe verte » et faire oublier la capitale asphyxiée par les travaux, le bruit, la chaleur, les pluies diluviennes de la veille. Une échappée estivale orchestrée par la maison Pierre Frey, avec un rendez-vous donné place de l’Étoile, où stationnait un duo d’autocars. Direction : le château de Louÿe, au Nord de Dreux, dans l’Eure. Une bâtisse qui a fait parler d’elle dès 1180, telle l’une des dernières forteresses de la ligne de défense de Richard Cœur de Lion contre Philippe Auguste, en Normandie… Depuis, le château a été reconstruit à maintes reprises, agrandi aux XVe et XVIIIe siècles, puis acquis en 1882 par le comte de Salviac de Viel Castel, dont la famille Lepic, actuelle propriétaire, est l’héritière. C’est dans ce lieu classé, habituellement ouvert lors des Journées du Patrimoine, que Patrick Frey - « créateur-éditeur de tissus et papiers peints », tel qu’il se définit - et ses fils ont reçu, comme on accueille des amis, le temps d’une garden party. Le double prétexte : le bicentenaire de la maison Braquenié - acquise par la famille Frey en 1991 - et la collection anniversaire réalisée pour l’occasion. Braquenié, institution connue et reconnue pour ses cotonnades imprimées, ses soieries et autres tapis tissés main. Tout un univers qui célèbre le « style français » et qui a trouvé à Louÿe, un écrin sur mesure.

© Constance Estrada de Tourniel

L’esprit Braquenié

« Nous voulions montrer la collection Braquenié dans un lieu de vie », a confié Patrick Frey. Si bien qu’il a refait, avec la complicité de la famille Lepic, quelques chambres et salons du château « pour retrouver l’esprit Braquenié et donner un nouvel aspect à l’intérieur du bâtiment ». En amont du déjeuner sur l’herbe dans les jardins du château normand, Sophie Rouart a investi la salle dite « des cerfs », dont l’imposante cheminée XVe est cernée d’une dizaine de cerfs tout en bois, accrochés en partie haute des murs. C’est dans ce salon XXL que l’historienne de l’art, spécialisée dans le textile, a évoqué les 20 ans du département du patrimoine qu’elle chapeaute au sein de la maison Pierre Frey. Pour cette date anniversaire, une exposition virtuelle – en ligne jusqu’à la fin septembre sur le site Web de Pierre Frey - présente une vingtaine de documents uniques. Une vingtaine d’archives qui témoignent de l’histoire de Pierre Frey, tout comme de l’histoire de France qu’elles illustrent et incarnent à merveille. À l’instar des broderies en perles de verre de la fin du XVIIe ou de la Toile de Jouy, dont on soignait la blancheur des fonds pour mieux l’accorder à la porcelaine.

« Les Petits Appartements de la Reine »

© Philippe Garcia

Sophie Rouart a également présenté la collection de tissus, papiers peints, panoramiques et tapis, propre à la maison Braquenié. Une cinquantaine des dessins de cette collection, tous issus de documents d‘archives, sont d’ailleurs réutilisés tels quels ou réinterprétés par le studio de création de la maison Frey. C’est cette collection qui a été mise en scène au château de Louÿe. Avec une curiosité parmi ces réalisations. À savoir les tissu et papier peint baptisés « Les Petits Appartements de la Reine ». Leur dessin, au grand motif de branches fleuries et d’ananas, reproduit une toile conservée au Musée de la Toile de Jouy. Imprimé à la planche de bois dès 1777 par la Manufacture Royale d’Oberkampf, ce motif était utilisé pour l’ameublement et il a été choisi pour la rénovation de l’un des cabinets de Marie-Antoinette, qui a rouvert ses portes au château de Versailles en juin dernier. Une splendeur.

© Philippe Garcia

Pas « vieux jeu » ni « vieux schnock »…

« Je suis un passionné de tissus et de patrimoine », a expliqué Patrick Frey. Si bien qu’il continue de fréquenter aussi bien Drouot que les brocantes de villages. Mais pas « vieux jeu » ni « vieux schnock » du tout, le « créateur-éditeur ». À la rentrée, il promet de surprendre encore avec une nouvelle collection inspirée par Venise... Quant à sa garden party en Normandie, elle n’avait rien d’un déjeuner mondain, à l’ancienne, placé, millimétré. C’était léger, joyeux, charmant, élégant. Une parenthèse poétique et bucolique aux antipodes de l’ostentation, du tapageur et du ringard. Ce qui se fait de plus en plus rare.

© Constance Estrada de Tourniel