« Je suis une femme de l’ombre ». Un parti pris qui convient fort bien à Catherine Barrier, dont le carnet de rendez-vous n’a rien d’un carnet de bal. « Je ne vais pas aux mondanités. Sauf quand elles sont pertinentes pour mes clients. » Son carnet d’adresses : le gratin de la gastronomie, du tourisme, de ceux qui aiment la terre et les territoires… Du beau monde, où gravitent chefs étoilés, politiques, VIP, journalistes... Autre signe particulier de Catherine Barrier : le bureau de son agence de conseil et communication se situe dans une maison à colombages du quartier des Halles… à Tours. « Ma ville », dit encore la fille du chef triplement étoilé Charles Barrier, l’un des fondateurs de la « Nouvelle cuisine », disparu en 2009. Originaire d’Indre-et-Loire, il avait ouvert son premier restaurant à Tours en 1944, ville où il a travaillé non-stop derrière ses fourneaux jusqu’en 1996 : Il avait 80 ans.

© Guillaume Le Baube

Pas de tableau de chasse

« Quand on est fille de chef, on ne se refait pas. » Catherine Barrier reconnaît être sur le pont sept jours sur sept. « Il m’arrive d'accepter un rendez-vous le dimanche et l’agence ne ferme jamais dans l’année. Quand le téléphone sonne, il y a toujours quelqu’un pour répondre. » Une permanence et une endurance qu’elle justifie ainsi : « Si nos clients sont ouverts, à commencer par les chefs que nous accompagnons, nous devons l’être aussi. Et comme eux, nous avons nos coups de feu. » Née à Tours, Catherine Barrier vient de souffler ses cinquante bougies. Sa formation d’archiviste l’a propulsée très tôt dans l’univers du traitement de l’information. D’abord à Lorient dans un cabinet de conseil ciblé sur les médias, dont la presse quotidienne régionale – la PQR - qu’elle affectionne. Puis, direction La Dépêche du Midi, à Toulouse, avant de revenir à Tours dans la com' digitale. En 2016, elle saute le pas et crée sa propre entité : une agence capable à la fois de délivrer du conseil, orchestrer des partenariats, valoriser un territoire, un patrimoine, créer de l’identité visuelle, bâtir une stratégie de communication, gérer des relations avec la presse. Le tout en lien avec ce qui se mange et ce qui se boit, « l’univers où je suis née ». Son premier client : le chef triplement étoilé Mauro Colagreco. D’autres du même calibre vont suivre. Même si Catherine Barrier n’affiche pas son tableau de chasse sur le site Web de l’agence qui porte son nom. Elle a pourtant du lourd et du prometteur. À l’instar du vendômois Christophe Hay, doublement étoilé à Blois, qu’elle « accompagne » depuis 2019, ou encore le saumurois Clément Dumont qui vient de décrocher sa première étoile à Loches. Des profils et des parcours qui incarnent des territoires. Catherine Barrier y est sensible. Elle parle de sa passion pour « la nature et la terre nourricière ». Un discours qui sonne juste et fait écho à ses souvenirs d’enfance, comme celui de son père courbé dans les vignes au moment des vendanges qu’il faisait chaque année.

© Guillaume Le Baube

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« Du côté obscur de la Force »

L’arme secrète de Catherine Barrier, c’est Julien Rémy, 35 ans. Ancien journaliste, il vient de la PQR, la meilleure école pour affiner sa plume, fouiner, faire parler, apprendre à écouter... bref bouffer du terrain. D’ailleurs, il connaît par cœur les routes de la Nièvre, de l’Yonne, de l’Allier, où il a notamment couvert les faits-divers à Montluçon. Là où les accidents de la route mettent en cause des tracteurs, là où la fête de la musique se passe aussi en prison, là où le chien écrasé par un chauffard ou le train retardé par des grévistes peuvent faire la Une de la presse. Julien Rémy a grandi dans les Vosges, à la campagne : « J’allais planter, cueillir, ramasser avec mon grand-père, agriculteur. » La terre, il connaît. Point commun fort avec Catherine Barrier, qui l’a recruté en 2021 à l’issue des confinements. « Je suis passé du côté obscur de la Force », assume l’ancien journaliste. Pour lui, le « côté obscur », ce n’est pas la com’ en tant que telle, c’est le fait de ne plus être visible, de disparaître au profit de ceux qu’il met en lumière, de ne plus signer les textes qu’il rédige pour les dossiers de presse. Des textes avec des angles, titres, inter-titres, exergues, sens du détail, comme dans un magazine. Des textes écrits après une enquête de terrain. Car pas question de décrire et raconter, sans avoir vu, toucher, tester, goûter, écouter. Si bien que ses dossiers de presse se lisent comme une histoire et fourmillent d’angles pour s’emparer d’un sujet de façon originale. C'est comme ça qu'au lendemain de Noël, dans le vent et le froid, il a réussi à faire déplacer TF1et M6 aux abords de la gare de Blois, sur un terre-plein désert, investi seulement par un food truck dans lequel le chef étoilé Christophe Hay distribuait des repas au profit des Restos du Cœur.

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« Ode à la patience »

« Mes critères de sélection quand je recrute : le bon sens, la volonté de bien faire et la pugnacité. Le CV passe après », confie Catherine Barrier, dont l’agence compte désormais cinq salariés. Un brin radical, mais ses clients sont conquis. Fidèles, aussi. Si bien qu’aucun des contrats qu’elle signe ne comporte de date de fin : « Je n’ai pas de mission définie dans le temps. Un contrat ce n’est pas ça. C’est de l’accompagnement au long cours et de la confiance des deux côtés. » À prendre ou à laisser. Et c’est parfois elle qui laisse, délaisse. Récemment, elle a décliné l’offre d’une maison de renom. Le motif : on ne lui donnait que quelques jours pour amorcer une campagne de communication, quand il faut parfois jusqu’à deux mois pour maîtriser un sujet, s’imprégner du terrain, rencontrer, échanger, rédiger, envoyer un photographe sur place, mettre en page. « Nous n’avons pas de préjugé, ni d’approche mécanique des choses. Nous prenons le temps, comme un chef attend la bonne saison pour travailler un produit qu’il aime, telle une ode à la patience », explique Catherine Barrier. Le sur mesure l’inspire. Pas le copié-collé. « Parce que tout est vivant, tout est spécifique. En prenant le temps de bien faire les choses, poser un œil neuf sur chaque dossier, je veux gagner le pari de la qualité. » Comme elle a gagné celui de la délocalisation : « Nous sommes nomades, sans frontières. »

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