Métro, bureau, claustro

Je ne sais plus à quoi ressemble la vie de bureau. Cela fait cinq ans que mon bureau est mon appartement. A moins que ce ne soit l’inverse. Je travaille pieds nus  -époque formid’- et ne refais pas le monde devant ma machine à café -un modèle de dix ans d’âge qui imite le percolateur des bistrots-. Si bien que lorsque j’ai l’occasion de pousser la porte d’une multinationale, avec ses open spaces vides de sens et de décence, ses distributeurs automatiques de barres chocolatées et ses secrétaires intérimaires, j’ai l’impression d’atterrir sur Mars en sortant de l’ascenseur. Hier encore, ça m’a fait le coup. J’ai attendu mon rendez-vous pendant vingt minutes. Idéal pour observer les regards apeurés, agacés, fatigués, tristounets de celles et ceux qui vont bosser à reculons. Sans passion. Avec résignation. Les stigmates se lisent sur ces visages défigurés, décomposés : certains se forcent à sourire, d’autres à dire bonjour, d’autres encore se contentent de regarder leurs chaussures tout en arpentant le long couloir qui relie leur ordi’ aux toilettes. Ça fout la trouille. Pire qu’un film d’horreur. En sortant de cet enfer, l’air parisien valait tous les embruns bretons et les fleurs vendues dans le métro tous les narcisses des Glénan au printemps.