Worth, tea-gown ou robe d’intérieur, vers 1890 - © Stanislas Wolff / Paris Musées, Palais Galliera

Ça se passe en rez-de-jardin. Dans les nouvelles galeries d’exposition du Palais Galliera, à Paris. Là, entre jeux d’ombres et de lumières, quelque 350 pièces retracent et racontent l’histoire de la mode du XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui. Issus des collections du musée, ces vêtements, accessoires, arts graphiques et photos invitent à un voyage dans les temps, tendances et… tentations. Car, au milieu du XVIIIe, les cotonnades importées des Indes, puis produites en Europe, suscitent bien des convoitises parmi les femmes du monde. Et pour cause : ces matières leur permettent de se parer d’imprimés autres que floraux et de découvrir l’élégance monochrome des mousselines. Le tout agrémenté de fils métalliques argentés ou dorés pour enrichir un peu plus encore les étoffes. Quant à la robe de chambre, inspirée du kimono, c’est le comble du chic pour un homme… Au gré d’une balade fort bien scénographiée, par Ania Martchenko et Sandra Courtine, on déambule de vitrine en vitrine. Au fil des époques, on change de forme de robe pour elle, de gilet pour lui, de souliers aussi. On découvre la modernité des escarpins roses de l’Impératrice Eugénie, vers 1860. On s’émerveille devant les trésors de la garde-robe de la comtesse Greffulhe, qui compte parmi les chefs d’œuvre de Galliera.

Christian Dior, Robe du soir "Frondeuse", AH 1954-1955 - © Stanislas Wolff / Paris Musées, Palais Galliera

Arrêt au stand « accessoires »…

Dans la Galerie Sud, place à Paul Poiret. On est dans les années 1910. Le couturier officie dans des salons parisiens, situés avenue d’Antin. Ses créations se distinguent par la simplicité des lignes, tout en jouant avec les couleurs. Poiret « le Magnifique » - il tient ce surnom à son goût pour les fêtes costumées - veut libérer le corps. On continue de remonter le temps, avec un arrêt au stand « accessoires ». Ceux de l’Occupation. Au menu : semelles de bois articulées, chapeaux, besaces, boutons, foulards imprimés, tel celui imaginé par Jeanne Lanvin, en 1944, et baptisé « Liberté… liberté chérie ». La mode se fait leçon d’Histoire. Puis, retour au faste dans les années 1950, avec Christian Dior et son « New Look » : en 1958, la robe « Zéphyrine » pour Dior est signée d’un certain… Yves Saint Laurent.

Le lin comme fil conducteur

Robe "Honfleur" (non griffée), 1921 - © Stanislas Wolff / Paris Musées, Palais Galliera

Plus on enchaîne les décennies, plus on retrouve des repères qui font encore la mode d’aujourd’hui. Avec notamment « les dissidents » que sont, à l’orée des années 1980, des talents tels que les japonais Yohji Yamamoto ou Rei Kawakubo – la créatrice de Comme des Garçons -, mais aussi les belges Ann Demeulemeester et Martin Margiela. À ne pas manquer non plus : les vitrines d’éventails, issus du fonds du musée qui en compte quelque 2 000 différents, datés du XVIIIe  au XXe siècle. Même curiosité pour les vêtements d’artistes, dont une veste en lin peinte à la main par Sonia Delaunay, en 1928. Le lin, autre fil conducteur de cette expo, dont la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC) est mécène. La matière se retrouve dans toute une sélection de vêtements, à commencer par la doublure d’une robe volante des années 1730, la robe « Honfleur » créée en 1921ou encore un tailleur d’été noir griffé Heim. La « green fashion » n’a donc pas attendu la COP26. Il y a belle lurette que la mode a repéré les qualités du lin, matière naturelle, sans déchet, ni OGM, qui se cultive sans irrigation. Enfin, parce que les collections de Galliera sont en nombre conséquent, mais aussi pour des raisons de conservation préventive, l’expo se scinde en deux parties, deux accrochages, deux raisons de venir et revenir au musée. Le premier épisode dure jusqu’au 13 mars 2022. Le second débute le 2 avril et s’étend jusqu’au 26 juin 2022. La mode se décode à Galliera et c’est bien fait pour nous.

« Une histoire de la mode » jusqu’au 26 juin 2022, dans les galeries Gabrielle Chanel du Palais Galliera : 10 avenue Pierre 1er de Serbie, Paris 16e.

Yves Saint Laurent, Robe "Mondrian" de Juliette Gréco, AH 1965-66 - © Stanislas Wolff / Paris Musées, Palais Galliera