Torcy story

Mon interlocuteur était très étonné : « vous allez venir jusqu’à Torcy pour m’interviewer ? » Mais oui, cher monsieur. Je travaille à l’ancienne : j’ai besoin de rencontrer les gens, leur serrer la main, voir la couleur de leur veste et goûter à leur café. C’est comme ça. On ne se refait pas.
Me voilà donc dans le train de banlieue, direction Torcy. A l’aller, RAS dans le RER, excepté qu’il était bondé d’enfants accompagnés de leurs parents, tous en route pour Disneyland Paris. En revanche, au retour, une vingtaine de lycéens sont montés à Noisy-le-Grand. Là, il y a eu de l’ambiance : cris, insultes, chahut et pieds sur les banquettes. Puis, l’un d’entre eux s’est mis à commenter chaque station inscrite sur le plan affiché juste au-dessus de la porte d’entrée du wagon : « Nation, Vincennes et Val de Fontenay, c’est friqué ; Noisy, Noisiel et Lognes, c’est la zone. Et toi t’habites où avec ta meuf ? »
Cette lecture des stations de la ligne A du RER avait de quoi laisser perplexe. Les ados des banlieues populaires n’auraient-ils vraiment que l’argent comme valeur et comme repère ? J’aurais aimé qu’un élu local soit avec moi dans ce wagon. Mais je n’ai jamais croisé de politiques dans un transport en commun. Sauf Jack Lang sur la très chic ligne 1 du métro, en plein après-midi, accompagné de sa garde rapprochée. Epoque formidable, je vous dis.