« J’en ai assez de ces journalistes qui vantent un hôtel, un resort, parce qu’il y sont allés gratis en famille »… Il était 17 heures, un vendredi. Un attaché de presse, spécialisé dans le tourisme, n’en pouvait plus. Il ne me connaissait pas, mais il s’est soulagé, « lâché » comme on dit. Pourquoi m’a-t-il choisie ? Je ne sais pas. Je l’avais appelé pour récupérer le visuel d’un hôtel sur le point d’ouvrir de l’autre côté de la Manche. On a papoté. Il s’est épanché. « Je n’en peux plus de leurs caprices ». Ni de leurs papiers factices : « le même article chaque année à la même période, parce qu’ils ont leur rond de serviette dans tel resort de l’Ile Maurice, tel hôtel des Seychelles ». Et puis, il a cité des noms de confrères : un vrai bottin de coquins ! Mais que peut-on y faire ? Le business fonctionne comme ça depuis des lustres. C’est comme si subitement on retirait, à des salariés, Tickets Resto et RTT : ce serait l’émeute à la machine à café ! Alors, on fait avec. Quelques attachés de presse font un peu le ménage, « black-liste » les pires des profiteurs et refusent quelques privilèges aux plus suffisants. Mais on voit encore paraître dans la presse des sujets de plusieurs pages signés par des confrères qui ont « testé » l’adresse avec conjoints, copains, gamins… A Saint Barth, j’en ai même croisé un, accompagné de sa femme et de sa… belle-mère. Epoque formidable ! Et que dire de ceux qui demandent des nuitées à l’œil durant les week-ends les plus chargés ? Ceux qui refusent de payer les extras ? Et ceux qui viennent sans carte de crédit ? Les cas de figures sont nombreux. Ils rappellent les abus liés à la critique gastronomique. Comment peut-on dire du mal d’un resto quand on est invité par le chef ? Et quand on en a rédigé le dossier de presse ? Là aussi, tout est possible. Tout est permis. Mais comment expliquez cela à des étudiants qui rêvent de devenir critique gastronomique ou journaliste spécialisé dans le tourisme ? Pas facile de parler des coulisses sans effrayer ou démotiver. Pas évident de décrire dans un amphi, à la fac, une scène de petit-déjeuner en voyage de presse, où l’on peut se retrouver sous les cocotiers, cerné entre une consœur en jogging qui s’empiffre de saucisses et une autre qui a glissé dans son sac tous les mini pots de confiture du buffet. Le tout saupoudré des cancans de la presse people ou de l’énumération des derniers chiffons griffés, chopés aux « soldes presse ». Heureusement quelques étudiants ont déjà fait des stages en rédactions et leur témoignage, parfois édifiant, suffit à faire passer le message…