La City, Londres, Angleterre, pour Réalités, Femina-Illustration, 1959 - © Frank Horvat

Il ne se cantonnait à aucun thème. Aucun lieu. Aucun profil d’hommes ou de femmes. Le photographe Frank Horvat (1928-2020) aimait fouiner, flâner, se balader, aller là où peu s’aventuraient. Du grand reportage à la photo de mode, il a tout fait. Et fort bien fait. Jusqu’au 30 octobre 2022, une exposition au Jeu de Paume de Tours retrace ses quinze premières années de travail : de 1950 à 1965. Quinze années d’images qui immortalisent aussi bien l’homme pressé de la City que l’entraîneuse de Caracas, les effeuilleuses du Sphinx, les prostituées – toutes en tailleur – du bois de Boulogne ou encore Anna Karina au milieu des forts des Halles…

Il croise la route d’Henri Cartier-Bresson…

Accrochage irréprochable et pertinence du choix des photos résument cette rétrospective. « Réalisée à partir des archives laissées par Horvat dans sa maison-atelier de Boulogne-Billancourt, l’exposition comporte plus de 170 tirages d’époque et modernes », explique la commissaire Virginie Chardin. Le parcours est rythmé, aéré, documenté. Le tout au frais, entre les murs épais du château de Tours. Au fil des salles, on avance dans le temps. On démarre à l’orée des années 1950, lorsque Horvat, l’Italien, décide de devenir « photo-reporter », comme on disait. Il croise la route d’Henri Cartier-Bresson, achète un Leica et part au Pakistan, puis en Inde, pour shooter les habitants, les rites et rituels locaux, la nuit, la vie… Ses images plaisent. La presse internationale les publie.

Prostituées au bois de Boulogne, Paris, 1956 - © Frank Horvat

Scènes de rue, de bar, de cabaret…

En 1954, changement de décor : Horvat pose un regard un brin ironique sur les Anglais. Puis ce sera Paris et un reportage sur le proxénétisme pour le mensuel Réalités. Le photographe s’intéresse à tous les gens et maîtrise tous les genres : portraits, scènes de rue, de bar, de cabaret… Il s’amuse aussi avec un téléobjectif qu’il teste sur Paris, ses carrefours, sa foule, ses monuments… Bluffant.

Paris au téléobjectif, bus, 1956 - © Frank Horvat

Au Chien qui fume pour le Jardin des Modes

Tan Arnold au Chien qui fume, Paris, pour Jardin des Modes, 1957 - © Frank Horvat

1957 : Horvat, le touche à tout, est présenté – par William Klein - à Jacques Moutin, le directeur artistique du Jardin des Modes. L’idée : transposer les vues sur le vif d’Horvat dans des images de mode. Résultat : le mannequin Tan Arnold prend la pose, avec robe, chapeau, souliers et bijoux de couturiers, au comptoir du Chien qui fume, au cœur des Halles. Le Vogue britannique et Harper’s Bazaar vont ensuite faire travailler Horvat de 1960 à 1964. À ne pas manquer dans l’expo : les portraits, accrochés côte à côte, de Coco Chanel et Françoise Sagan. La première est dans l’ombre, planquée, seule, en train de regarder l’un de ses défilés. La seconde est cachée – elle aussi - dans sa loge, au Théâtre des Champs-Elysées, où l’on joue l’un de ses textes. Peur, timidité ou excès d’humilité ? Peu importe. Horvat les a vues comme ça : c’est ce qui compte.

Des selfies avant l’heure

Enfin, Horvat aimait s’immiscer dans certaines de ses images. C’est ainsi qu’il se retrouve aux côtés d’Anna Karina ou d’une strip-teaseuse du Sphinx. Des autoportraits au chic fou, pour les uns. Des selfies avant l’heure, pour d’autres.

 

 

Exposition "Frank Horvat, 50-65" : jusqu’au 30/10/2022 au Jeu de Paume du Château de Tours : 25 avenue André Malraux, 37000 Tours. Du mardi au dimanche, de 14h à 18h.

Iris Bianchi et Agnès Varda, Paris, haute couture française, pour Harper’s Bazaar, 1962 - © Frank Horvat